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L'Australie va enquêter sur des possibles crimes de guerre commis par ses soldats en Afghanistan

L'Australie a annoncé le 12 novembre la nomination d'un procureur spécial pour enquêter sur de possibles crimes de guerre perpétrés par les forces spéciales australiennes contre des civils et des prisonniers en Afghanistan.

Le Premier ministre australien Scott Morrison, citant des accusations de «manquements graves et peut-être criminels», a pris la décision le 12 novembre de nommer un procureur spécial afin d'enquêter sur des soupçons de crimes de guerre lors de l'engagement australien en Afghanistan. Une décision prise pour que cette affaire soit réglée en Australie et afin d'anticiper toute saisine éventuelle de la Cour pénale internationale (CPI).

Plus de 26 000 militaires australiens furent déployés dans la coalition emmenée par les Etats-Unis après le 11 septembre 2001. Ils n'ont quitté l'Afghanistan qu'en 2013.

Depuis 2017, les médias australiens se sont fait l'écho de nombre d'accusations très graves contre les forces australiennes, comme le cas d'un homme qui aurait été abattu pour faire de la place dans un hélicoptère, ou celui d'un enfant de six ans tué lors d'un raid contre une maison.

Le gouvernement avait initialement cherché à fermer les comptes de lanceurs d'alerte faisant état de ces accusations, alors que la police s'en prenait aux journalistes d'investigation les relayant comme le souligne l'AFP.

De son côté, l'Inspecteur général des Forces de défense australiennes a mené pendant quatre ans une enquête sur «les rumeurs et allégations» de «violations possibles du droit des conflits armés». 

Plus de 55 incidents identifiés

Ces investigations ont permis d'identifier 55 incidents distincts liés au meurtre illégal de «personnes qui n'étaient pas des combattants ou qui n'étaient plus des combattants», ainsi qu'à des «traitements cruels».

Scott Morrison a précisé qu'une version expurgée du rapport de l'Inspecteur général serait rendue publique dans les prochains jours. La nomination d'un procureur est donc une nouvelle étape dans la judiciarisation de ces accusations. Elle pourrait déboucher un jour sur des poursuites contre des membres des forces armées.

Cela exige que nous fassions face aux vérités honnêtes et brutales, si les attentes et les standards n'ont pas été respectés.

L'armée est très populaire en Australie, et ses nombreux engagements à l'étranger, de Gallipoli à Kokoda, ont contribué à forger l'identité de l'île-continent en tant qu'entité distincte de la puissance coloniale britannique.

«Les hommes et femmes engagés ainsi que les forces de défense actuelles et passées partagent les attentes et les aspirations des Australiens quant à nos forces de défense et à la façon dont elles mènent leur mission», a déclaré Scott Morrison. «Cela exige que nous fassions face aux vérités honnêtes et brutales, si les attentes et les standards n'ont pas été respectés.»

Certains avaient avancé que la CPI pourrait se saisir de ces accusations si l'Australie ne le faisait pas. Prié de dire si la nomination d'un procureur réduisait le risque d'une enquête internationale, Scott Morrison a répondu aux journalistes: «Nous le pensons, oui. C'est le conseil que nous avons reçu.»

«Nous devons gérer cela en tant qu'Australiens, selon nos propres lois, et au travers de notre propre processus judiciaire.»

L'affaire avait éclaté en 2017, quand la chaîne publique ABC avait publié les Afghan files, une série d'enquêtes qui accusait les forces australiennes d'avoir tué des hommes non-armés et des enfants en Afghanistan.

La police avait en riposte ouvert une enquête sur deux journalistes d'ABC, Daniel Oakes et Sam Clark, soupçonnés d'avoir eu en leur possession des informations classifiées. Une perquisition avait même eu lieu l'an passé au siège de la chaîne à Sydney, avant que l'enquête ne soit classée.