Ce 23 août, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov s'est inquiété de la tournure prise par les événements en Biélorussie qu'il a rapprochés du mouvement du Maïdan de 2014, en Ukraine. De son côté, Bruxelles, qui s'affiche du côté des manifestants, assure vouloir éviter ce scénario.
Pour Lavrov, «le peuple biélorusse décidera lui-même»
Tandis que l'opposition biélorusse s'est à nouveau rassemblée par dizaines de milliers dans les rues de Minsk pour réclamer le départ du président Alexandre Loukachenko, ce dernier n'a de cesse de dénoncer l'instrumentalisation du mouvement de contestation par les pays occidentaux.
Au cours d'une intervention lors du Forum russe pour la jeunesse «Le Territoire des sens» à Solnetchnogorsk, ce 23 août, le ministre russe des Affaires étrangères s'est déclaré préoccupé par la position occidentale, l'estimant peu à même d'apaiser les tensions.
Accusant les pays occidentaux de vouloir «orienter la Biélorussie selon leurs propres schémas», Sergueï Lavrov a mis en garde : «Lorsque l’Occident dit que seule la médiation avec la participation des pays occidentaux sera efficace, bien sûr, nous nous souvenons de ce qui s’est passé en Ukraine, où la médiation occidentale a mené [...] à une incapacité totale pour nos partenaires à négocier.»
Soulignant l'importance d'un «dialogue» entre les autorités et les citoyens, le ministre russe a estimé : «Le peuple biélorusse décidera lui-même comment sortir de cette situation.»
Le même jour, dans un entretien au quotidien espagnol El Pais, le haut représentant de l'Union européenne (UE) pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Josep Borrell, a assuré ne pas souhaiter voir la Biélorussie se transformer en une «seconde Ukraine».
«La tension entre l'Europe et la Russie s'est réglée par des tirs, de la violence et une désagrégation du territoire ukrainien qui dure encore. Le problème d'aujourd'hui des Biélorusses n'est pas de choisir entre la Russie et l'Europe, c'est d'obtenir la liberté et la démocratie», a-t-il poursuivi.
Borrell compare la situation de Loukachenko à celle de Maduro
Josep Borrell, qui a récemment adressé son soutien aux manifestants biélorusses a ensuite estimé qu'il fallait continuer de «traiter» avec Alexandre Loukachenko, tout en précisant que Bruxelles ne reconnaissait pas sa «légitimité démocratique».
Usant de la comparaison avec le Venezuela, dont le président est toujours en place malgré le soutien ouvertement apporté par les pays occidentaux, Etats-Unis en tête, à l'opposition, le responsable européen a expliqué : «[Nicolas] Maduro et [Alexandre] Loukachenko sont exactement dans la même situation. Nous ne reconnaissons pas qu'ils ont été légitimement élus. Toutefois, que cela nous plaise ou non, ils contrôlent le gouvernement et nous devons continuer à traiter avec eux, bien que nous ne reconnaissions pas leur légitimité démocratique.»
Une comparaison qui sonne par ailleurs comme un aveu d'échec pour la stratégie vénézuélienne de l'Union européenne... qui reconnaît officiellement l'opposant Juan Guaido comme président par intérim de ce pays.
Nouvelle manifestation de l'opposition à Minsk
Venezuela ? Ukraine ? Les diverses comparaisons ne laissent en tout cas guère augurer un apaisement de la situation en Biélorussie, où les partisans d'Alexandre Loukachenko tentent de répondre par des rassemblements aux manifestations de l'opposition.
Le mouvement de contestation a éclaté au grand jour dès le soir du 9 août, qui a vu la réélection d'Alexandre Loukachenko avec plus de 80% des suffrages selon les chiffres de la Commission électorale centrale, contestés par l'opposition. C'est alors que des manifestations, violemment réprimées (de nombreux blessés et au moins trois décès sont à déplorer), ont éclaté, rassemblant à plusieurs reprises des dizaines de milliers de personnes. Un nouveau rassemblement de l'opposition s'est ainsi tenu, ce 23 août à Minsk.
BHL, de Kiev à Minsk ?
La principale candidate de l'opposition, créditée de 10,1% des suffrages par la Commission électorale biélorusse, Svetlana Tikhanovskaïa, tente de se présenter en alternative en vue d'une transition de pouvoir qu'Alexandre Loukachenko refuse de réaliser sous les «pressions».
La femme politique a quitté la Biélorussie le 11 août et se trouve actuellement en Lituanie, où elle a notamment rencontré le philosophe français Bernard-Henri Lévy... un visage bien connu sur la place du Maïdan à Kiev.
Louis Maréchal