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Twitter épingle les médias «affiliés» à l'Etat russe ? Moscou l'invite à regarder aussi à l'Ouest

Twitter a marqué d'un libellé des comptes de médias «affiliés» à l'Etat russe ou chinois, réduisant ainsi leur portée. Moscou a invité le géant du web à penser aussi aux médias liés à la France ou aux USA qui n'ont pas encore «droit à ce privilège».

La décision de Twitter d'épingler des «entités médiatiques contrôlées par un Etat» bien précises n'a pas échappé à la diplomatie russe. Dans un tweet du 7 août, le compte en anglais du ministère russe des Affaires étrangères a invité Twitter à ne pas arrêter son travail de labellisation aux médias financés par l'Etat russe mais à s'intéresser également à des chaînes et radios financées par des Etats occidentaux. 

Alors que quelques médias russes ont reçu le libellé, d'autres médias contrôlés par un Etat n'ont toujours pas droit à ce privilège

«Cher Twitter, Nous réalisons que labelliser les comptes de médias "affiliés à des gouvernements" est un travail difficile. Il y en a tellement. Alors que quelques médias russes ont reçu le libellé, d'autres médias contrôlés par un Etat n'ont toujours pas droit à ce privilège», souligne, taquin, le compte de la diplomatie russe, en taguant le géant californien du web. Et de poursuivre : «Voici quelques pistes. Heureux de rendre service !»

Les pistes en question : des médias financés par des gouvernements qui n'ont pas reçu l'étiquette «Média affilé à un Etat» de la part de Twitter, au contraire, notamment, de RT.

Captures d'écran à l'appui, la diplomatie russe met en lumière cette différence de traitement : la BBC, se présentant elle-même comme «principalement financée via la redevance payée par les ménages britanniques», DW, «financé par les ressources fiscales fédérales» d'Allemagne et Radio Free Europe / Radio Liberty, «financée par une subvention du Congrès américain» : tous ces médias ne sont pas présentés par Twitter comme des «médias affilés à un Etat».

La Russie a également exprimé son indignation par d'autres voies. Ainsi, dans un communiqué, le département de l'information et de la presse du ministère russe des Affaires étrangères a qualifié l'«étiquetage» de Twitter de «violation des principes démocratiques clés visant à garantir la libre circulation de l'information et le libre accès à celle-ci». Il fait valoir que «les sources médiatiques occidentales recevant des fonds gouvernementaux» échappent à la labellisation, contrairement à des médias financés par l'Etat russe.

Une discrimination... sur quels critères ?

En quoi consiste exactement ce libellé sur Twitter et quelles en sont les conséquences ?

Le 6 août, Twitter dévoilait sa décision de signaler par un libellé des «comptes de médias gouvernementaux ou affiliés à un Etat». Ces libellés permettent, affirme Twitter, de fournir aux internautes «davantage de contexte» sur ces comptes. Or ce n'est pas tout : les médias ainsi labellisés ne bénéficient pas de recommandations de Twitter et leurs tweets ne seront pas amplifiés par la plateforme. En d'autres termes, leur portée sera limitée par rapport à tous les autres comptes.

Pourquoi une telle mesure ? «Contrairement aux médias indépendants, les médias liés à un Etat utilisent fréquemment leur couverture de l'actualité à des fins politiques», se justifie le réseau social, cité par l'AFP. Et d'ajouter : «Nous pensons que les gens ont le droit de savoir quand le compte d'un média est affilié directement ou indirectement à un acteur étatique.»

Mais quels sont, au juste, les comptes concernés ? «A l'heure actuelle, des libellés s'affichent sur les comptes Twitter concernés des cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni et Russie)», et plus précisément :

D'autres pays seront concernés à l'avenir.

Pourquoi alors, RT ou le média financé par l'Etat chinois CCTV ont droit à ce libellé, mais non des médias financés par l'Etat français, américain ou britannique ?

«Les médias financés par les institutions étatiques mais jouissant d'une "indépendance éditoriale", comme la BBC ou NPR [...] ne seront pas concernés», rapporte l'AFP. En d'autres termes, Twitter se réserve le droit de désigner les médias jouissant d'une «indépendance éditoriale» et ceux qui n'en bénéficieraient pas... Selon quels critères, quels éléments, quels exemples ? Twitter ne le précise pas, laissant libre d'interpréter cette différence de traitement comme une discrimination politique