Le texte, écrit en anglais, fait quelques lignes et ne laisse place à aucune ambiguïté. Une pétition lancée sur Avaaz le 5 août de manière anonyme demande le placement du Liban sous mandat français pour les dix prochaines années : «Les responsables libanais ont clairement montré une incapacité totale à sécuriser et gérer le pays. Avec un système défaillant, la corruption, le terrorisme et les milices, le pays vient d’atteindre son dernier souffle. Nous pensons que le Liban doit revenir sous mandat français afin de mettre en place une gouvernance propre et durable.» Au moment d'écrire ces lignes, le 7 août vers 14h, la pétition a recueilli plus de 59 000 signatures.
Chaleureusement accueilli par une partie de la presse libanaise et par un bain de foule dans les rues dévastées de Beyrouth, Emmanuel Macron, en visite au Liban le 6 août, a fait l'objet de critiques en France de la part de responsables et commentateurs politiques, qui ont vu dans certains des propos du président une forme d'ingérence. Emmanuel Macron a en effet tenu à être le premier chef d'Etat à aller dans ce pays, anciennement sous protectorat français. Il a annoncé, lors de son arrivée dans la capitale libanaise, qu'il voulait «organiser la coopération européenne et plus largement la coopération internationale»
Il a aussi souhaité «un dialogue de vérité» avec les autorités et a rappelé que la France portait «l'exigence [...] depuis des mois pour ne pas dire des années de réformes indispensables» dans «certains secteurs», comme «l'énergie, les marchés publics, la lutte contre la corruption». «Si ces réformes ne sont pas faites, le Liban continuera de s'enfoncer», a prévenu le président de la République.
Est-ce possible ?
Dans un article concernant la pétition, Le Figaro s'est demandé si une administration du Liban par la France pourrait être envisageable du point de vue du droit international.
Pour le quotidien, Yann Kerbrat, professeur de droit international à la Sorbonne (Paris I), commente : «Un mandat à proprement parler est évidemment très invraisemblable, la terminologie employée renvoie à une institution qui a pris fin avec la création de l'ONU en 1945.» Ce spécialiste rappelle que l'Etat libanais est souverain et que la charte de l'ONU «n'envisage pas de tel cas de prise en main des affaires nationales par un autre». «Les derniers pays placés sous administration internationale, à savoir le Timor oriental puis le Kosovo, l'ont été par le Conseil de sécurité de l'ONU compte tenu d'une situation très troublée et spécifiquement en vue de son indépendance pour le premier», détaille-t-il.
En définitive, Yann Kerbrat estime que seules les Nations unies pourraient décider, vu les troubles majeurs au Liban, d'une administration internationale du pays. Pour ce faire, le Conseil de sécurité de l'ONU «pourrait confier à des pays en particulier certaines responsabilités». Mais pour ce professeur, «l'hypothèse la plus vraisemblable reste celle de sanctions contre le gouvernement libanais actuel, économiques ou politiques, comme la suspension de projets d'aides ou d'infrastructures, ou un conditionnement de l'aide internationale au respect de certaines obligations en matière de démocratie et de droits de l'homme».
Une alternative serait de s'appuyer sur des structures déjà présentes, comme la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL). «La FINUL peut se voir confier de nouvelles missions par le Conseil de sécurité comme celle de la distribution de l'aide humanitaire ou de sa sécurisation, mais là encore, seulement si aucun accord n'est trouvé avec les autorités locales ou qu'une décision est prise en ce sens par le Conseil de sécurité des Nations unies», conclut Yann Kerbrat.
Béchara Raï, chef de l'Église maronite au Liban, a publié le 5 août une lettre s'adressant «aux pays amis et frères ainsi qu'aux Nations unies, pour apporter l'aide immédiate afin de sauver la ville de Beyrouth», précisant qu'il faudrait mettre en place une «Caisse sous contrôle onusien» pour gérer les aides.