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L'opposition malienne fait front contre le plan de sortie de crise et le président Keïta

En proie à une crise politique depuis le mois de juin, le Mali peine à retrouver la sérénité. Les propositions de la Communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest restent sans effet et l'opposition réclame toujours le départ du président Keïta.

Le plan de sortie de crise au Mali a essuyé ce 29 juillet un triple revers : l'opposition a réclamé à nouveau le départ du président Ibrahim Boubacar Keïta, elle a rejeté la main tendue par le Premier ministre et des députés ont refusé d'obtempérer à une demande de démission des Etats d'Afrique de l'Ouest.

En outre, les dirigeants de l'opposition ont annoncé lancer dès le début de la semaine prochaine une «deuxième phase de désobéissance civile», lors d'une conférence de presse.

Réunis le 28 juillet en sommet extraordinaire, les dirigeants de la Communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) avaient approuvé une série de recommandations pour dénouer la crise politique qui ébranle le Mali depuis juin. Ils avaient exclu le départ forcé du président Ibrahim Boubacar Keïta, dit «IBK» et lancé un appel à «l'union sacrée» des Maliens pour que le pays ne tombe pas dans le chaos. Ils avaient en outre brandi la menace de «sanctions» pour les récalcitrants. Deux jours plus tard, ils n'ont pas réussi à convaincre l'opposition, qui mène depuis deux mois le plus vaste mouvement de contestation du pouvoir au Mali depuis le coup d'Etat de 2012.

«Le seul mot d'ordre demeure la démission d'IBK et de son régime», a déclaré à la presse un des responsables de la coalition d'opposition du M5-RFP, Choguel Maïga. «Les solutions de demi-teinte ne pourront pas régler le problème malien», a ajouté Ibrahim Ikassa Maïga, un autre des leaders de cette alliance hétéroclite qui rassemble des chefs religieux et politiques, ainsi que des membres de la société civile.

Le Premier ministre Boubou Cissé avait affirmé ce 28 juillet que l'opposition était «fortement désirée» au sein du gouvernement d'union nationale qu'il a été chargé de former. Il s'était ensuite rendu au domicile de la figure de proue du mouvement, l'imam Mahmoud Dicko, pour lui demander de «s'impliquer» pour que le M5-RFP accepte cette main tendue. 

«Je lui ai demandé de rendre sa démission, afin qu’on puisse former un vrai gouvernement d'’union nationale», a répliqué le chef religieux lors de la conférence de presse de l'opposition.
«Le Mali n'est ni un peuple soumis ni résigné. Il ne faut pas qu'on cherche à nous distraire», a ajouté l'imam Dicko. «Il faut restaurer la nation malienne par les Maliens et pour les Maliens», a-t-il ajouté, dans une critique des initiatives étrangères.

Une trentaine de députés refusent de démissionner 

Le plan de sortie de crise de la Cédéao avait subi un autre coup dur un peu plus tôt, quand une trentaine de députés, dont l'élection est contestée, ont annoncé qu'ils refusaient de démissionner comme le leur ont demandé les dirigeants ouest-africains. «Nous nous sommes concertés et nous n'allons pas démissionner. Notre constitution est violée par la déclaration de la Cédéao», a déclaré à la presse un député du principal parti d'opposition, l'Union pour la république et la démocratie (URD), Gouagnon Coulibaly.

L'un des déclencheurs de la crise actuelle a été l'invalidation fin avril par la Cour constitutionnelle d'une trentaine de résultats des élections législatives de mars-avril, dont une dizaine en faveur de la majorité présidentielle. Cette décision, s'ajoutant au climat d'exaspération nourri depuis des années par l'instabilité sécuritaire dans le centre et le nord du pays, le marasme économique et une corruption jugée endémique, a entraîné une série de manifestations pour réclamer le départ du chef de l'Etat.

La «démission immédiate» de ces députés, y compris le président du Parlement, Moussa Timbiné, et l'organisation de législatives partielles, font partie des mesures recommandées par la Cédéao. L'opposition a souligné que l'organisation régionale réclamait de la sorte un geste non prévu par la Constitution, alors qu'elle s'oppose à la démission du président Keïta au nom du respect de la même Constitution.

Le 10 juillet, la troisième de ces manifestations contre le pouvoir a dégénéré en trois jours de troubles meurtriers à Bamako, les pires dans la capitale depuis 2012.