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Covid-19 : face à la menace d'une deuxième vague, l'Europe en ordre de marche... dispersé

En constatant la recrudescence des cas de contamination au Covid-19 dans plusieurs pays et régions d'Europe, les autorités des pays-membres de l'UE renforcent les mesures de contrôle sans qu'aucune coordination au niveau européen semble avoir lieu.

En pleine période estivale, la recrudescence des cas de contamination à travers l'Europe inquiète.

A titre d'exemple, l'Espagne, qui dénombre officiellement plus de 28 400 décès causés par la pandémie, a vu bondir ces dernières semaines le nombre des cas. Selon le dernier bilan diffusé le 28 juillet, sur les sept derniers jours, plus de 1 800 nouveaux cas ont été détectés en moyenne quotidiennement, pour les deux tiers en Aragon et en Catalogne. Un chiffre qui a plus que triplé en deux semaines. Face au risque, plusieurs régions espagnoles prennent des mesures supplémentaires pour tenter de contenir l'épidémie. Celle de Madrid a ainsi décidé, comme la quasi-totalité des autres régions, de renforcer le caractère obligatoire du port du masque dans la rue et sur les terrasses. Les réunions devront aussi y être limitées à dix personnes.

D'autres pays européens ne sont pas épargnés. Face une recrudescence inquiétante des cas, la Belgique, l’un des pays qui compte le plus de morts du Covid-19 par rapport à sa population (85 pour 100 000 habitants), a annoncé pour sa part un nouveau durcissement des mesures. À partir de mercredi 29 juillet, le nombre de personnes que les Belges sont autorisés à voir de façon rapprochée et régulière dans le cadre de leur «bulle de contact» sera abaissé de 15 à 5 personnes, par foyer, pour les quatre prochaines semaines.

La situation sanitaire qui semble s'aggraver sur le continent européen depuis le déconfinement et la réouverture des frontières, a de quoi inquiéter les autorités des pays-membres. Ainsi plusieurs pays ont d'ores et déjà annoncé des mesures visant à empêcher la propagation du virus et à contrôler sa migration. 

En revanche force est de constater que tout comme au début de la pandémie en Europe en mars dernier, chaque pays européen agit à sa manière sans qu'il y ait une stratégie commune. La preuve, des mesures et consignes qui varient d'un Etat à l'autre.

L'Europe en marche dispersé

Dans l'objectif atténuer le risque d’une deuxième vague de la pandémie du Covid-19, les pays membres de l'Union européenne ont le choix entre les tests et la quarantaine.

Depuis le 24 juillet, la France a imposé un test PCR aux entrants sur le territoire provenant de 16 pays où la circulation du virus est jugée particulièrement forte. Le cas du Maroc étant toujours en discussion selon Matignon, les mesures s'appliquent donc à l'arrivée des nations suivantes : Etats-Unis, Emirats arabes unis, Bahreïn, Panama, Afrique du Sud, Koweit, Qatar, Israël, Brésil, Pérou, Serbie, Algérie, Turquie, Madagascar, Inde et Oman. Cette mesure concerne uniquement les ressortissants et résidents français, car les «frontières extérieures de l’Europe, et donc de la France, demeurent fermées», fermant la porte aux autres voyageurs qui ne sont pas autorisés à entrer sur le territoire. 

Au Royaume-Uni, une quatorzaine est déjà imposée depuis des semaines aux voyageurs venant du Portugal, Serbie, Suède, Russie, Canada, Etats-Unis et Amérique latine. Les touristes britanniques qui rentrent d'Espagne se voient appliquer la même règle et, ironie du sort, le ministre britannique des Transports, Grant Shapps, s'est retrouvé bloqué en Espagne. Mais Londres a déclaré le 27 juillet suivre attentivement la situation en France et en Allemagne et n'exclut pas d'étendre la quatorzaine à ces pays. 

En Allemagne, le ministre de la Santé Jens Spahn a de son côté annoncé qu'il allait imposer des tests de dépistage aux voyageurs revenant de régions à risques. Actuellement, 130 régions figurent sur la liste des zones à «haut risque». «Nous devons éviter que les voyageurs de retour contaminent d’autres personnes sans le savoir et déclenchent ainsi de nouvelles chaînes d’infection», a déclaré le ministre dans un tweet, ajoutant qu’il allait en conséquence «décréter un test obligatoire pour les voyageurs rentrant de régions à risques».

Dans le même temps l'Italie, l'Espagne et le Portugal gardent leurs frontières ouverte sans mesures particulières à l'arrivée hormis un déclaration sur l'honneur auprès des compagnies aériennes ou durant les vols.

Toutefois il ne faut pas croire que seuls les pays du sud de l'Europe soient pointés du doigt. Par exemple une quatorzaine est aussi imposée aux voyageurs en provenance de Suède, du Royaume-Uni et du Portugal dans plusieurs pays européens, tels le Danemark, l'Autriche, la Belgique, les Pays-Bas et la Finlande. La même Finlande qui impose une quatorzaine à tout voyageur en provenance de France. 

La gestion de la crise sanitaire suscite des tensions entre pays

Dans ce climat de méfiance les uns envers les autres, sur fond de chiffres qui continuent à grimper, la question des mesures sanitaires devient politique. Ainsi le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez a vigoureusement critiquée les mesures prises à Londres. Le 27 juillet il a qualifié la quatorzaine obligatoire d'«inadaptée» en soulignant que certaines régions espagnoles très touristiques comme les Baléares et les Canaries sont «plus sûres que le Royaume-Uni». «Nous ne pouvons pas parler [...] de seconde vague généralisée dans notre pays», a ensuite affirmé le ministre de la Santé, Salvador Illa. Pour la porte-parole du gouvernement Maria Jesus Montero, l'Espagne est «une destination sûre qui s'est préparée et s'est renforcée pour faire face au virus et aux nouveaux foyers».

Se dirige-t-on vers la fermeture des frontières ?

Mais les gouvernements européens pourraient-ils aller jusqu'à fermer à nouveau les frontières intra-européens pour éviter une deuxième vague ? 

Face à la résurgence des cas de coronavirus en Espagne, le Premier ministre français Jean Castex a exprimé son inquiétude par rapport à la situation lors de sa visite dans l'aéroport parisien de Roissy le 25 juillet. Evoquant la Catalogne, «nous recommandons vivement aux Français d'éviter de se rendre, tant que la situation sanitaire ne s'améliore pas», a déclaré Jean Castex. «Nous sommes en discussion avec les autorités espagnoles et catalanes pour que celles-ci veillent à ce que, dans l'autre sens, les flux soient les plus limités possibles», a-t-il ajouté.

Une fermeture de frontière que Madrid souhaite éviter à tout prix. «Au vu des dernières données que nous avons pour l’Aragon et la Catalogne, nous sommes un peu plus optimistes. La Catalogne a déjà réduit le nombre d’infections au cours des trois derniers jours», a déclaré la ministre espagnole du tourisme Reyes Maroto le 22 juillet pour tenter de rassurer Paris. «Espérons qu’avec ces meilleurs chiffres, nous n’aurons pas à fermer une frontière qui pour nous est très importante pour la mobilité avec nos partenaires européens», a-t-elle ajouté.

La situation à la frontière franco-belge suscite également des inquiétudes. Une publication partagée plus de 10 000 fois en Belgique et en France en deux jours sur Facebook affirmait que la frontière entre la Belgique et la France «sera fermée le 1er août» prochain. Une allégation démentie par le gouvernement belge. A ce jour ni la France ni la Belgique n’avaient annoncé la fermeture de la frontière dans les prochains jours, même si les deux pays renforcent leurs contrôles visant les voyageurs de retour de l’étranger.

Pour calmer les esprits, c'est l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui s'est prononcée sur la question. Maintenir les frontières fermées ne constitue pas une stratégie viable pour lutter contre le coronavirus, a estimé le 27 juillet l'OMS tout en reconnaissant la difficulté d'avoir une stratégie globale à l'échelle internationale.

«Cela va devenir presque impossible pour les pays de maintenir dans un futur proche leurs frontières fermées», a déclaré le Dr Michael Ryan, directeur des situations d'urgence à l'OMS, lors d'une conférence de presse virtuelle. «Les économies doivent rouvrir, les gens doivent travailler, le commerce doit reprendre», a-t-il admis, tout en reconnaissant que chaque Etat devait prendre en compte individuellement les risques d'ouvrir ses frontières.

«Il est très difficile d'avoir une politique qui convienne à tous. Si on est une petite nation sans cas de Covid-19, un seul cas [importé] peut représenter un désastre. Dans un pays où l'incidence de la maladie est importante, fermer la frontière peut ne faire aucune différence», a-t-il poursuivi. «Les mesures de restriction de voyage doivent être prises en conjonction avec d'autres mesures», a-t-il souligné. «Seules en tant que telles, elle ne sont pas efficaces pour limiter les mouvements du virus, qui est partout», a ajouté le responsable de l'OMS.

«Mais il est très difficile de définir une politique globale», a-t-il déploré, soulignant que la nature du risque était déterminée par les situations locales et nationales.

Une politique globale qui semble être absente au niveau européen, dans un contexte qui se tend à nouveau compte tenu la résurgence de l'épidémie de coronavirus.