La municipalité de Berlin a adopté une loi anti-discrimination qui suscite l'inquiétude notamment des syndicats de policier.
La capitale allemande pourrait devenir «précurseur» en Allemagne en matière de lutte contre les discriminations, s'est félicité son initiateur, l'élu écologiste Dirk Berhrendt, saluant l'aboutissement de «plus de dix années» de débats. Cette loi, inédite dans le pays, a été adoptée le 4 juin soir par le Sénat de la capitale allemande, à majorité de gauche, la droite et la droite radicale ayant voté contre.
Les 3,8 millions d'habitants de Berlin ne pourront officiellement plus faire l'objet de discrimination de la part d'agents publics fondée sur le sexe, l'origine ethnique, la religion, les convictions politiques, le handicap, l'âge, l'identité sexuelle ou encore le statut social.
Même une vidéo sur internet pourrait désormais déclencher un procès sans l'intervention de la personne concernée
Une disposition irrite particulièrement les opposants à cette nouvelle loi : en cas d'accusation de discrimination, les policiers devront désormais prouver qu'ils ne se sont pas rendus coupables de tels agissements. Jusqu'à présent, c'était à la victime présumée de démontrer qu'elle avait été discriminée. Et si la discrimination est reconnue par la justice, la victime aura droit à une indemnisation de 300 à 1 000 euros, voire plus pour les cas les plus graves.
Associations et collectifs au cœur du dispositif
Autre nouveauté : des collectifs et associations pourront eux-mêmes intenter des actions au nom d'éventuelles victimes. «Même une vidéo sur internet pourrait désormais déclencher un procès sans l'intervention de la personne concernée», redoute l'Union des policiers du Land (GdP). Le nouvel arsenal anti-discrimination ne concerne pas en revanche les employeurs privés.
La loi prévoit un large éventail de situations, de l'aveugle refusé dans un lieu public avec son chien parce qu'il est interdit aux animaux, aux «blagues misogynes» que pourraient lancer des fonctionnaires en présence d'un tiers, en passant par d'éventuels contrôle de police au faciès.
Si des personnes dénoncent le fait qu'elles seraient plus souvent contrôlées par la police en raison de leur couleur de peau, «ça ne va pas et elles peuvent alors se défendre», a expliqué Dirk Berhrendt à Radio Berlin-Brandebourg.
Risque d'entrave au travail de la police
Libéraux, droite et droite radicale et ont immédiatement dénoncé une loi qui «poignarde les fonctionnaires dans le dos», selon les termes du chef de file de la CDU dans la capitale, Burkard Dregger. Les syndicats de policiers sont particulièrement virulents, accusant la nouvelle loi de jeter la suspicion sur l'ensemble des fonctionnaires de police et d'inverser la charge de la preuve en exigeant d'un suspect éventuel de prouver son innocence.
L'Allemagne n'est pas les Etats-Unis
Ils redoutent d'être visés par des accusations après chaque intervention, notamment lorsqu'ils s'en prennent aux clans criminels d'origine libanaise qui contrôlent une partie des trafics à Berlin. Peu influent dans la capitale allemande, le parti anti-immigration AfD a obtenu que le vote de la loi soit nominal. «Tous les officiers de police de Berlin doivent voir quels élus [ont voté pour]»? a expliqué son chef de file, Frank-Christian Hansel. Ces mesures inquiètent aussi dans d'autres régions allemandes, qui redoutent qu'elles ne fassent tache d'huile.
«L'Allemagne n'est pas les Etats-Unis. Nous n'avons pas de problème de racisme dans la police ici», a réagi Thomas Blenke, délégué à l'Intérieur au sein de la CDU de Bade-Wurtemberg.
Vers un isolement de la police berlinoise ?
Les porte-parole de la CDU et de la formation conservatrice bavaroise CSU pour la politique intérieure au niveau fédéral ont exigé, par mesure de rétorsion, qu'aucun policier d'autres Länder ne soit envoyé en renfort à Berlin, comme cela se pratique régulièrement entre régions allemandes.
Cette menace a été répercutée par le syndicat de policiers de la région de Rhénanie du nord-Westphalie, la plus peuplée d'Allemagne, qui craint des poursuites contre ses agents en cas d'interventions menées dans la capitale.