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75 ans de la victoire contre le fascisme : si tu ne vas pas au défilé, que le défilé vienne à toi

En Russie, malgré l’annulation des commémorations officielles du Jour de la Victoire, de nombreux «mini-défilés» militaires ainsi que des concerts sont organisés près du domicile des vétérans de la Seconde Guerre mondiale.

Chaque année, les vétérans de la Grande Guerre patriotique – comme on a plutôt tendance à nommer la Seconde Guerre mondiale en Russie – prennent la place des invités d’honneur lors des défilés de la Victoire organisés dans toutes les villes russes. Cette année, tous les événements officiels sont suspendus à cause du nouveau coronavirus. Même si le 9 mai s’annonce confiné et bien que de nombreuses cérémonies publiques soient déjà annulées, les vétérans russes ne manqueront pas les festivités prévues pour le 75e anniversaire de la Victoire sur l’Allemagne nazie. Et pour cause, partout en Russie se développe une initiative hors du commun : des défilés militaires «privés» ainsi que des concerts improvisés sous les fenêtres des anciens combattants.

Par exemple, dans la région de Samara, dans le sud-ouest de la Russie, sur les rives de Volga, les militaires russes ont organisé une fête surprise pour Lev Atmeneïev, vétéran de la Grande Guerre patriotique aujourd’hui âgé de 95 ans, qui était pendant la guerre pointeur de l’un des légendaires lance-roquettes multiples Katioucha. 

Près de sa maison, dans le village de Samarsky, on a installé une scène mobile en vue d’un concert. La dernière version de la Katioucha – le système de fusées à lancement multiple Tornado-G – a été exposée sous les fenêtres de l’ancien combattant.

Le temps que la scène soit en place, Lev Atmeneïev a, avec beaucoup de joie et de curiosité, fait le tour du véhicule de combat, reconnaissant les contours de sa carrosserie. Il a tout de suite remarqué que la nouvelle version était dotée de 40 lanceurs contre seulement 16 sur l’ancienne Katioucha. 

A l’occasion de ce spectacle improvisé, l'ensemble de chant et de danse Cosaques de la Volga de la Maison régionale des officiers a interprété des chansons de guerre célèbres pour rendre hommage au vétéran, tandis qu’un jeune garçon, fils d’un officier, a lu un poème sur la guerre et les prouesses du soldat soviétique. La fête s'est terminée avec la chanson «Le Jour de la Victoire». Très ému, l’ancien combattant a demandé de l'aide pour se lever et écouter debout l’une des chansons russes les plus populaires consacrées à la Seconde Guerre mondiale.

Une autre célébration surprise a eu lieu dans le sud de la Russie, à Kizliar, ville située dans la république du Daghestan. Ici le défilé militaire a été organisé pour Vera Nikitina qui, en mai 1945, a laissé sa signature sur les murs de Reichstag à Berlin. 80 militaires du bataillon de la Garde nationale du Caucase du Nord, les écoliers de la ville ainsi que de jeunes percussionnistes ont défilé dans la cour de l’immeuble où habite le vétéran. Médailles sur sa veste, Vera Nikitina a été accueillie avec des fleurs au son de l’orchestre. Après la cérémonie solennelle et un concert improvisé donné par des musiciens militaires dans une ambiance festive, une collation a été organisée pour tous les participants. Pendant ce temps, Vera Nikitina racontait son histoire et partageait ses souvenirs de la guerre.

Née près de Kizliar, la jeune fille allait encore à l’école quand la guerre a éclaté. En 1942, elle s’est portée volontaire pour rejoindre le front. Après une courte formation à Grozny, Vera a été envoyée dans l'armée sur le deuxième front biélorusse. Jusqu’à la fin de la guerre, elle a servi dans le bataillon de défense aérienne où elle était en charge des munitions et de la préparation des avions pour les missions de combat. 

Quelques jours plus tard, à Ekaterinbourg, grande ville de l'Oural, un autre vétéran a bénéficié d'un spectacle inattendu. Âgé de 95 ans, Mikhaïl Tchetchouline a pu observer une parade depuis sa fenêtre, sans quitter son domicile. 

Dans la cour de la maison de Mikhaïl Pavlovitch, on a installé un écran géant grâce auquel le vétéran a pu assister en direct au concert et au défilé du Peloton de la Garde d'honneur du District militaire central. Le major-général Oleg Kissedobrev, chef des forces de missiles et de l'artillerie, a personnellement salué le vétéran à l'occasion du 75e anniversaire de la Victoire. 

Né en 1925, Mikhaïl Tchetchouline a rejoint le front à l'âge de 18 ans. Il a combattu dans le 157e régiment de mortiers de la 10e division d'artillerie. Il a rencontré la Victoire dans la ville de Brest, en Biélorussie. 

A l'autre bout de la Russie, dans la région de Leningrad, une cérémonie personnelle était organisée pour un autre vétéran, colonel à la retraite, Mikhaïl Poliatchkov. Les militaires ont défilé dans la cour devant sa maison, qui n'avait probablement jamais connu une telle agitation. Puis l'orchestre a interprété les chansons les plus connues des années de la guerre. 

Touché par telle attention, Mikhaïl Poliatchkov a remercié les militaires et, à l'occasion du 75e anniversaire de la Victoire à l'issue de la Seconde Guerre mondiale, a adressé à tout le monde ses félicitations. L'ancien combattant, en tenue de parade arborant une multitude de médailles et portant un masque de protection, a précisé qu'il n'était pas «un héros, juste un soldat de sa patrie.»  Et pourtant, il a participé aux batailles près de Koursk, était parmi les soldats qui ont libéré Varsovie et est arrivé jusqu'à Berlin pour célébrer la Victoire.

Ces exemples ne sont pas uniques. Depuis le début de l’année, les initiatives semblables fleurissent dans toutes les régions de Russie et deviennent une tendance en l'honneur des derniers héros de la Seconde Guerre mondiale toujours en vie, qui se sont battus pour notre liberté. De nouveaux défilés surprise de la Victoire sont d'ores et déjà prévus à l’occasion du 9 mai pour rendre hommage aux vétérans près de leur domicile.