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Des portraits de Poutine et de Staline dans une nouvelle cathédrale russe défraient la chronique

La Russie finalise la construction d'une nouvelle cathédrale orthodoxe ornée de mosaïques représentant notamment Vladimir Poutine et Joseph Staline. L’édifice sera terminée en mai, pour le 75e anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie.

Des photos montrant une mosaïque incomplète représentant le président russe Vladimir Poutine, le ministre de la Défense Sergueï Choïgou, le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et d'autres personnalités clés du gouvernement, ainsi qu'une représentation de Staline, ont suscité beaucoup de controverses dans la presse russe après avoir été divulguées aux médias vendredi 24 avril. L'œuvre fait partie d'une église grandiose en construction située dans le parc Patriote, près de Moscou, qui doit devenir le principal lieu de culte de l'armée russe.

Dans l'église, bâtie pour le 75e anniversaire de la Victoire à l'issue de la Seconde Guerre mondiale, se trouve une représentation du défilé de la Victoire reproduit en mosaïque d'après une photo de mai 1945 où figure Staline, le commandant suprême de l'armée soviétique. Il est représenté sur une bannière brandie par des soldats soviétiques sur la place Rouge.

Hormis la victoire de l'URSS sur l’Allemagne nazie, la future cathédrale orthodoxe glorifie d'autres événements nationaux dont le rattachement de la Crimée à la Russie en mars 2014, a expliqué le ministère de la Défense. L’œuvre en mosaïque représente donc les responsables politiques qui ont contribué à cette opération entourés du peuple russe célébrant le rattachement pacifique. Sur une autre mosaïque, on peut lire le slogan «La Crimée est à nous !», une phrase couramment utilisée depuis 2014. 

L'Eglise persiste et signe

Le conseil d'experts sur l'art religieux, l'architecture et la restauration de l'Eglise orthodoxe russe considère qu'il est approprié d'utiliser des mosaïques représentant les dirigeants actuels ainsi que Joseph Staline dans l'église principale des Forces armées russes. Le président du conseil patriarcal pour la culture, Léonid Kalinine, dans une interview accordée à l'agence Tass, a expliqué que la raison pour laquelle ces personnages apparaîtront dans la cathédrale était simple : l'exactitude historique. Mais cette tentative de dépeindre l'ensemble de l'histoire militaire de la Russie ne s'est pas déroulée pas sans controverse, a révélé le président du Département synodal de coopération avec les forces armées du Patriarcat de Moscou, l'évêque Stéphane Klinsky (Privalov). Staline, qui a persécuté l'église alors qu'il gouvernait l'URSS, n'était pas une figure bienvenue, mais le clergé a finalement convenu qu'il devait être représenté en raison de son rôle clé pendant la Seconde Guerre mondiale. «Il est impossible d’éviter l’image de Staline si on représente le défilé de la Victoire de 1945 (...). Comment peut-on l’éliminer de ce défilé ?» s’interroge Léonid Kalinine.

Par ailleurs, il a affirmé aux journalistes de l'agence Tass que les images représentant l'armée sont acceptées dans l'art religieux. En effet, les images de soldats de la Grande Guerre patriotique, de la guerre de 1812 et d’autres scènes historiques sont assez courantes dans les églises russes et sont conformes aux canons de l'Eglise orthodoxe russe, a-t-il souligné.

Une explication concernant les événements en Crimée a également été avancée : «C’est juste un constat : lorsque la Crimée a été rattachée à la Russie, les gens se sont réjouis parce qu’ils savaient que sans cela, tout serait couvert de sang. Par conséquent, cet épisode est entré dans l'histoire», a déclaré Kalinine cité par un autre média russe, RBC. 

Il a également souligné la petite taille de la mosaïque en question, qui ne constitue que 1/5000e de toutes les mosaïques situées dans la cathédrale, en affirmant que le projet n’avait pas été coordonné avec les autorités, mais élaboré sur la base de données historiques, en vertu de la seule décision du conseil artistique.

Le représentant officiel du Kremlin Dmitri Peskov s’est aussi exprimé au sujet de l’initiative artistique controversée. Il a dit que Vladimir Poutine avait été informé de la mise en œuvre de ce projet, rapporte le média en ligne RBC. «Lorsqu’il a appris cela, il a souri et a dit : Un jour, les générations futures reconnaissantes évalueront notre mérite, mais il est trop tôt aujourd'hui pour le faire», a déclaré Dmitri Peskov, citant la réaction du chef de l’Etat.

Quel rôle pour la nouvelle cathédrale ?

Si l'idée de représenter des personnages historiques modernes sur les murs d'une cathédrale chrétienne ait soulevé quelques critiques, il est nécessaire de préciser que ce ne sera pas une église ordinaire. Il s'agit en fait en partie d'un musée conçu pour marquer le 75e anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie en 1945. La chambre de la cloche de l’édifice mesure 75 mètres de haut, en allusion à cette date importante, et les marches de la cathédrale ont été construites avec des éléments fondus de chars et d'avions allemands, rapporte l’AFP.

La cathédrale sera entourée d'un complexe commémoratif appelé la Route de la Victoire, avec des dizaines de millions de photographies d'anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale. Son intérieur, d'autre part, est censé présenter toutes les victoires marquantes de la longue histoire russe.

Mais les thèmes chrétiens orthodoxes traditionnels auront également leur place, affirme l’artiste Vassili Nesterenko, le chargé de la décoration intérieure de la cathédrale.

Mesurant près de 100 mètres de haut et couronné de six dômes dorés, l’édifice religieux sera la troisième plus grande église orthodoxe de Russie après la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou (103 m) et la cathédrale Saint-Isaac à Saint-Pétersbourg (101,5 m), a précisé un porte-parole du ministère de la Défense.

Le lieu de culte, officiellement appelé Cathédrale de la résurrection du Christ, sera consacré le 9 mai, ce bien que le reste des célébrations du jour de la Victoire ait été reporté en raison de la pandémie de coronavirus.