Dans un contexte de campagne laborieuse en raison de la crise du Covid-19, l'ancien vice-président et candidat démocrate à la présidentielle américaine Joe Biden est, de surcroît, englué dans une polémique embarrassante. En effet, une femme accuse Joe Biden de l'avoir agressée sexuellement en 1993.
Tara Reade, une ancienne collaboratrice du démocrate, qui a porté plainte en avril, l'accuse de l'avoir pénétrée de force avec les doigts dans un bâtiment du Sénat en 1993. Depuis, alors qu'elle peinait à se souvenir du jour et du lieu exact de l'agression (ce qui alimentait le scepticisme sur son témoignage), une archive télévisuelle rendue publique par le média en ligne The intercept a refait surface et celle-ci pourrait corroborer certaines de ses déclarations.
Dans l'émission Larry King Live (CNN) diffusée le 11 août 1993 et titrée : «Washington : La ville la plus cruelle de la Terre ?», le journaliste-star Larry King interview une femme anonyme par téléphone qui lui demande «quel recours» pourrait utiliser sa fille contre un «sénateur» non nommé.
«Je me demande, de quel recours dispose un employé parlementaire à Washington, à part contacter les médias ? Ma fille a quitté son poste là-bas, et après avoir travaillé pour un sénateur très connu, elle a choisi de ne pas parler aux médias par respect pour lui», déclare l'intervenante dont Tara Reade affirme aujourd'hui qu'elle est sa mère, une des rares personnes à qui elle se serait confiée à l'époque.
«En d'autre termes, elle a eu une histoire à raconter mais, par respect pour la personne pour qui elle travaillait, elle ne l'a pas dit ?», interroge alors Larry King, ce que confirme l'inconnue. Dans l'extrait, aucune mention n'est cependant faite à une quelconque agression sexuelle.
«J'ai pleuré parce que je n'avais pas entendu la voix de ma maman [décédée en 2016] depuis plusieurs années [...] Elle me manque. Sa voix me manque», a déclaré Tara Reade à CNN, précisant que la personne interviewée par Larry King était bien sa mère.
Selon Ryan Grim, journaliste à The Intercept, Tara Reade lui avait déclaré au cours d'une interview que sa mère avait témoigné dans l'émission du célèbre présentateur américain, mais il n'avait pas réussi à retrouver l’extrait. C'est finalement l'auditeur d'un podcast dans lequel cette émission a été évoquée qui aurait exhumé l'archive et l'aurait envoyée au média. Si le nom de l'intervenante n'est pas diffusé dans la vidéo, la localisation de l'appel (San Luis Obispo en Californie), annoncé par Larry King correspond, selon CNN, à l'endroit où vivait la mère de Tara Reade à l'époque.
Joe Biden sur la sellette ?
Très largement partagé sur les réseaux sociaux, l’extrait, bien qu'il ne contienne aucun détail permettant nommément d'incriminer Joe Biden, a été perçu comme un élément compromettant de plus, tandis que le candidate ne s'est toujours pas exprimé directement sur l'affaire.
«Joe Biden ne s'abrite pas dans son bunker souterrain à cause de la pandémie, il se cache de Tara Reade», a raillé le fils du président américain Donald Trump Jr sur Twitter.
Mais ces réactions à la vidéo n'émanent pas que du camp Trump ou républicain. L'actrice de gauche Susan Sarandon, soutien de Bernie Sanders et opposante à Hillary Clinton lors de l'élection de 2016 a elle aussi relayé l'article de The Intercept sur son compte Twitter sans plus de commentaire.
«[Joe] Biden devrait se retirer» a estimé pour sa part Peter Daou, un ancien conseiller de John Kerry (pour la campagne présidentielle de 2004) et d'Hillary Clinton dans une série de tweets largement partagés. L'analyste politique a ainsi estimé dans ses messages : «Les accusations de viol crédibles sont disqualifiantes ou alors nous n'avons pas de norme morale.»
Invitée par CNN à commenter la vidéo, l'équipe de campagne de l'ancien vice-président, qui nie catégoriquement les faits, n'a pas jugé nécessaire de donner plus d'explications concernant ces nouveaux éléments, s'en tenant à ses précédentes déclarations.
Tara Reade, qui en 2019 avait déjà accusé l'ancien sénateur de comportements déplacés sans parler d'agression sexuelle, a raconté en mars dernier que ce dernier l'avait plaquée contre un mur d'un bâtiment du Sénat américain alors qu'elle lui apportait un sac de sport. L'élu l'aurait alors embrassée de force, aurait passé sa main sous ses vêtements et l'aurait pénétrée avec les doigts. Repoussé, le sénateur, surpris d'avoir été éconduit n'aurait, selon la version de Tara Reade, pas insisté.
Plusieurs collaborateurs de Joe Biden en 1993 ont balayé ces accusations et nié avoir été informés par Tara Reade qui affirme leur avoir signalé un harcèlement sexuel (sans évoquer une agression). La plainte écrite que Tara Reade affirme par ailleurs avoir déposée auprès d'un service de ressources humaines du Congrès américain avant son départ de Washington n'a pas été rendue publique à ce jour, ni pu être consultée par la presse.