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Furieuse contre les déclarations de la France, la Turquie la renvoie à sa «situation désespérée»

Répondant aux remarques de Jean-Yves Le Drian, qui critiquait certaines actions d'Ankara au sein de l'OTAN ou dans la crise migratoire, la Turquie a appelé Paris, en pleine pandémie de Covid-19, à se préoccuper davantage de la santé de ses citoyens.

La diplomatie turque n'a guère apprécié les remarques de la France qui appelait à une «clarification» du rôle d'Ankara au sein de l'OTAN, ou encore de ses actions dans le cadre de la crise migratoire. Dans un communiqué publié sur le site de la Radio-télévision de Turquie (TRT) le 22 avril, le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères, Hami Askoy, accuse : «Dans l’entretien qu’il a accordé au quotidien Le Monde, le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères de la France, Jean-Yves Le Drian, tente de dissimuler la situation désespérée dans laquelle se trouve la France face à la crise de coronavirus, en prenant pour cible la Turquie.»

Ankara accuse la France de vouloir faire diversion

«Alors que la France ne parvient pas à venir en aide à ses voisins européens en ses moments les plus difficiles, il semblerait qu’elle soit dérangée par le fait que la Turquie vienne à la rescousse en tant que véritable amie face aux situations difficiles», peut-on encore lire dans le communiqué.

Et le diplomate turc d'adresser un message à Paris : «Notre recommandation à la France est qu’elle se concentre principalement sur la protection de la santé des Français et des Européens, en particulier, et sur la cicatrisation de leurs plaies face à l'épidémie du COVID-19.»

Hami Askoy a en outre accusé les autorités françaises d'avoir pris le parti, en Libye, du maréchal Haftar, qui selon lui «sape tous les efforts pour un cessez-le-feu», de soutenir une «organisation terroriste en Syrie» (une référence probable aux milices kurdes qu'Ankara considère comme terroristes) ou encore «d’imposer des sanctions à son allié, la Turquie». 

«Il faudrait que le gouvernement français laisse de côté son avidité dans la concurrence et renonce à voir la Turquie en tant que menace pour le bien-être et la sécurité de l'Europe», a encore lancé le porte-parole de la diplomatie turque.

OTAN, crise migratoire... Le Drian veut une «clarification» du rôle de la Turquie

Le 20 avril, dans un entretien consacré au «monde d'après» la pandémie de coronavirus, Jean-Yves Le Drian, interrogé sur la «grande explication» qu'il souhaite avoir avec la Turquie, relevait : «Nous nous interrogeons sur le comportement de la Turquie.»

Le ministre français a alors énuméré les dossiers sensibles de son allié militaire au sein de l'Alliance atlantique : «Sa présence au sein de l’OTAN, tout en choisissant des dispositifs antiaériens russes ; lorsque, en Libye, elle fait transférer des "proxies" syriens pour participer au conflit et mobilise d’importants moyens (bateaux, drones…), comme dans la baie de Misrata ; quand l’immigration devient un sujet de chantage ; quand en Méditerranée orientale des bateaux participent tantôt à l’action de présence de l’OTAN, tantôt à la sécurisation de zones qu’elle s’approprie…»

«Cela fait beaucoup ! Lorsque la Turquie demande la solidarité, elle doit en même temps apporter une clarification», concluait Jean-Yves Le Drian sur le sujet.

Ce n'est pas la première fois que la France reproche à la Turquie son engagement dans le conflit libyen. Ankara soutient activement Fayez al-Sarraj, chef du GNA, basé à Tripoli et reconnu par l'ONU, qui fait face à l'offensive de son rival, le maréchal Khalifa Haftar, qui contrôle les trois quarts du territoire libyen. Lors de la conférence de presse de Berlin au sujet de la Libye qui s'était tenue le 19 janvier dernier, le président français Emmanuel Macron avait déploré de voir des navires turcs accompagner des mercenaires syriens arrivant sur le sol libyen, expliquant que cela était «en contravention explicite avec ce que le président Erdogan s'était engagé à faire». A l'issue de cette déclaration, Hami Askoy avait rétorqué : «Le principal responsable des problèmes en Libye depuis le début de la crise en 2011, c'est la France.»