Dans ces affaires complexes traitées à la Cour de justice de l'Union, l'avis délivré par l'avocat général est primordial car souvent suivi par les juges. Et les conclusions auxquelles est parvenu Yves Bot sont ici sans appel. Selon lui, compte tenu de la surveillance massive pratiquée par Washington depuis des années et révélée en 2013 par Edward Snowden, l'accord dit «Safe Harbor» unissant l'Europe aux Etats-Unis et réglementant le transfert des données personnelles des citoyens en dehors de l'UE est tout simplement «invalide».
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Au départ de cette procédure, on retrouve un juriste autrichien, Max Schrems. Alors qu'il était encore étudiant, ce dernier avait déposé un recours devant l'Autorité irlandaise de protection de la vie privée, le siège européen de Facebook se trouvant en Irlande, afin de protester contre le transfert des données personnelles des citoyens européens sur les serveurs de la firme aux Etats-Unis. Pays où selon Max Schrems, ces données ne seraient pas à l'abri des grandes oreilles de NSA.
C'est sur cette plainte rejetée par l'Irlande que la justice européenne est aujourd'hui amenée à se pencher. Ainsi, selon l'avocat général: «la surveillance exercée par les services de renseignement américains est massive et non ciblée et s'apparente à une violation des droits fondamentaux en Europe». Un premier rapport qui risque fort de faire grincer quelques dents à la Commission européenne, où l'on mise au contraire sur la création d'un marché numérique unique sur le Vieux continent.
En revanche le Parlement européen s'est, lui, réjoui de ces premières conclusions. «La Commission ne peut plus ignorer la demande du Parlement de suspendre "Safe Harbour". Vera Jourova (la commissaire européenne en charge de la Justice) et Jean-Claude Juncker (le président de la Commission) doivent agir» a ainsi estimé le député vert Jan-Philipp Albrecht.
Quant à la nouvelle bête noire de Facebook, Max Schrems, il a utilisé son compte Twitter pour faire part au monde entier de sa satisfaction mais aussi de sa fatigue à l'idée de la masse de travail qui l'attend désormais pour décortiquer cette décision de l'avocat général.