A l'approche des dernières audiences sur la potentielle extradition de Julian Assange vers les Etats-Unis, où il encourt jusqu'à 175 années d'emprisonnement, des organisations emblématiques du monde journalistique ont souhaité sensibiliser le grand public sur l'urgence de la situation qui touche le fondateur de WikiLeaks.
Défendre Julian Assange est crucial pour l'avenir des journalistes qui enquêtent sur les secrets d'Etat
Le 14 février, l'ONG Reporters sans frontières a, par exemple, lancé une pétition pour s'opposer à l'extradition vers le sol américain du ressortissant australien actuellement enfermé à la prison britannique de haute sécurité de Belmarsh. «Le recours à "l’Espionage Act" par l’administration Trump pourrait entraîner la condamnation de Julian Assange à 175 ans de prison. Cette procédure marque un dangereux précédent pour tous les journalistes ayant publié des informations classifiées d’intérêt général», explique le communiqué accompagnant la pétition en ligne, qui a pour l'heure recueilli un peu plus de 10 000 signatures.
Dans une courte vidéo publiée sur les réseaux sociaux, Christophe Deloire, secrétaire général de l'ONG, résume l'enjeu de l'affaire Assange. «Le sort de Julian Assange nous concerne tous. Sur la base de "l'Espionage Act", [il] est poursuivi pour sa contribution au journalisme, pour avoir permis la révélation par des médias d'informations essentielles sur les guerres américaines au Moyen-Orient. Défendre Julian Assange est crucial pour l'avenir des journalistes qui enquêtent sur les secrets d'Etat», explique-t-il notamment.
Un déplacement historique au Royaume-Uni est organisé le 24 février 2020
«Rassemblons nos forces pour défendre la liberté d’informer à travers le monde ! Ensemble, exigeons la liberté de Julian Assange», peut-on également lire dans un communiqué publié quelques jours plus tôt par le Syndicat national des journalistes (SNJ), première organisation syndicale de la profession, qui explique par ailleurs avoir récemment alerté l'Elysée à deux reprises sur la question, «sans réponse concrète à ce jour».
«Un déplacement historique au Royaume-Uni est organisé le 24 février 2020 pour s'opposer à son extradition sur le territoire américain», informe encore le syndicat en référence à une opération de citoyens français qui s'organise sur le groupe Facebook «Assange, l'ultime Combat», prévue ce jour-là devant la prison de haute sécurité de Belmarsh, où Julian Assange est actuellement enfermé. «Le SNJ [...] appelle ses adhérents à informer les citoyens, par tous les moyens, de l’urgence de la situation qui touche notre confrère australien», souligne le texte.
Pour l'heure, ces deux appels à la mobilisation n'ont reçu que peu d'écho médiatique. Un manque d'engagement de la profession que dénoncent les citoyens sensibles au dossier, comme RT France avait pu le constater lors d'une opération en soutien à Julian Assange, fin janvier. Et ce sentiment ne s'arrête pas aux frontières, puisque des citoyens britanniques, venus se greffer à l'action en question, en avaient également fait part.
Regrettant l'absence de médias traditionnels britanniques pour l'occasion, Bryan confiait par exemple au micro de RT France : «Je sais qu'il y a des journalistes courageux au Royaume-Uni, mais pour la plupart, il semble qu'ils se cachent sous leur bureau par peur de soulever la question».
Le travail de Julian Assange lui a pourtant valu de nombreuses récompenses, dont plusieurs prix de journalisme : en 2009, il fait ainsi partie des gagnants dans la catégorie «nouveaux médias» à l'Amnesty International Media Awards ; en 2011, il obtient le prix du journalisme Martha Gellhorn, ainsi que le prix de la Walkley Foundation for Journalism pour «contribution majeure au journalisme» ; en 2019, il se voit attribuer le prix du Club des journalistes de Mexico ; en février 2020, le Consortium international des journalistes d'investigation (ONG américaine aujourd'hui présente dans plus de 70 pays) lui décerne le prix Gary Webb pour la liberté de la presse.
Chronique d'une descente aux enfers
Comme l'explique le SNJ dans un rappel des faits de l'affaire Assange, celui-ci a été visé depuis 2010 par un enchaînement d'«opérations de diffamation», l'ayant notamment placé au cœur d'une affaire de viol sur le territoire suédois, bien que «la principale intéressée a[it] toujours récusé de telles allégations». La Suède a définitivement abandonné ses poursuites contre Julian Assange en novembre 2019. «Le calvaire juridique du fondateur de WikiLeaks a débuté au mois d'août 2010, au moment précis où, comme le démontrent des documents révélés en 2014 par le lanceur d'alerte Edward Snowden, l'administration US venait de solliciter ses pays alliés pour l'ouverture d'enquêtes pénales à l'encontre du fondateur, ainsi que des membres de WikiLeaks qui venait de diffuser quantité de publications compromettantes pour Washington».
Confiné près de sept années consécutives dans la petite ambassade de l'Equateur à Londres après avoir reçu, lors de la présidence de Rafael Correa, l'asile politique, celui-ci lui a été retiré le 11 avril 2019 par l'actuel chef d'Etat équatorien, Lenín Moreno .
Accusé par Londres d'avoir enfreint ses engagements en matière de liberté conditionnelle en 2012, Julian Assange est depuis détenu à la prison de haute sécurité de Belmarsh, où il a passé une grande partie de son incarcération en isolement, dans des conditions mettant sa vie en danger, comme le relevaient 60 médecins internationaux en novembre 2019. Dénonçant le non-respect des normes onusiennes concernant les périodes d'isolement imposées à Julian Assange, le rapporteur de l’ONU sur la torture, Nils Melzer, pointe aujourd'hui «les dommages cognitifs et neurologiques» causés au ressortissant australien.
«Pour rappel, en fondant sa société d'édition en 2006, Julian Assange a rendu possibles les fuites les plus massives du 21e siècle, abondamment reprises par les médias internationaux, et notamment par la presse française», rappelle le SNJ dans son communiqué.
Fabien Rives