Chez les «28», il y a en ce moment un peu de friture sur la ligne, comme on dit. Et la crise migratoire sans précédent que traverse l'Europe y est pour une bonne part. Ainsi, certains pays situés à l'Est de l'Europe, dits ex-Bloc de l'Est, font entendre une voix dissonante à Bruxelles. Un message accueilli plutôt fraîchement par les gardiens du temple.
- Le groupe de Visegrad reprend de la vigueur
Le groupe de Visegrad, appelé aussi V4 ou Triangle de Visegrad, se compose de la République Tchèque, de la Slovaquie, de la Pologne et de la Hongrie. Ces pays, qui appartenaient tous au Bloc communiste de l'Est, partagent en réalité des intérêts communs depuis le Moyen Age !
En effet, ce groupe trouve selon Wikipédia son origine à l'automne 1335, lorsque les rois de Bohême,de Pologne et de Hongrie se rencontrèrent dans la ville hongroise de Visegrad. Mais le V4 moderne a été surtout réactivé au début des années 90, lorsque ces quatre pays d'Europe centrale se sont unis afin d'accélérer leurs adhésions à l'Union européenne.
Plus ou moins en sommeil ces derniers temps, le V4 a pourtant repris une certaine vigueur avec la crise migratoire actuelle. En effet, alors que les ministres des Affaires étrangères des «28» se réunissaient au Luxembourg pour évoquer cette question, les Premiers ministres du V4 se retrouvaient, eux, à Prague pour un contre-sommet d'urgence visant à faire émerger une position commune. A la sortie, la République Tchèque, la Pologne, la Hongrie et la Slovaquie ont annoncé leur refus d'appliquer des quotas d'accueil. Un pavé dans la marre bruxelloise.
- Géographie, économie, politique...ces particularités oubliées
Ces quatre pays d'Europe centrale se retrouvent, bien malgré eux, avec cette crise migratoire dans l'oeil du cyclone. Leurs situations géographiques à l'Est de l'Europe les placent sur la désormais célèbre «route des Balkans» qu'empruntent de plus en plus de réfugiés fuyant la Syrie et l'Irak mais aussi de migrants économiques fuyant la Macédoine ou la Serbie. Ils sont devenus l'une des portes d'entrée de l'Union, au même titre que l'Italie ou la Grêce...l'expérience en moins.
Ainsi en 2012, la Hongrie avait reçu 2000 demandes d'asile, une paille comparées aux 154 000 entrées illégales que le pays a enregistré depuis le début de l'année 2015 !
Par ailleurs, ces pays, qui ont tous adhéré en 2004, font partie des dernières d'intégration dans l'Union et appartiennent pour certains au groupe peu enviable «des plus pauvres» de l'Europe. C'est le cas de la Hongrie qui occupait selon Eurostat -l'agence de statistiques de l'Europe- la troisième place du podium en terme de pauvreté matérielle en 2010 avec un taux atteignant 37%. Un pourcentage qui tranche avec la moyenne européenne, qui se situe autour de 17% et les taux constatés dans certains pays de l'Ouest. 5% des Néérlandais et des Suédois, 11% des britanniques et 13% des Français et des Allemands sont pauvres.
Ainsi selon Eurostat, 60% des Hongrois ne peuvent pas se payer une semaine de vacances par an, 10% ne parviennent pas à se chauffer correctement...Une réalité qui semble perdurer dans le temps puisque 4 régions de Hongrie sont classées parmi les plus pauvres de l'UE selon les chiffres 2015 d'Eurostat, les autres membres de Visegrad n'étant que guère mieux lotis.
Aussi, l'arrivée massive de ces dizaines de milliers de migrants en quelques semaines a créé de fortes tensions, notamment en Hongrie où des affrontements avec la population locale ont eu lieu autour de la gare centrale de Budapest.
Par ailleurs, ces pays du V4 sont des territoires où les partis d'extrême-droite ne cessent de gagner du terrain. C'est vrai en Hongrie où le parti néo-nazi Jobbik a remporté la ville de Tapolca au nez et à la barbe du candidat de Viktor Orban. Idem en Pologne, en Slovaquie ou en République Tchèque où l'extrême-droite sort du bois de manière décomplexée. Une poussée qui entraîne les dirigeants de ces V4 -en quête de réélection- dans une surenchère politique sur les questions migratoire et sécuritaire.
Ainsi, les scènes d'enfants gazés par les forces de l'ordre en Hongrie ont choqué une bonne partie de l'Europe occidentale. Idem pour les coups de matraque sur les réfugiés à la frontière avec la Serbie.
- L'UE: une réponse sèche et condescendante...
Face à ces prises de positions -sur les quotas- ou ces dérapages -enfants gazés- l'Union européenne soupire et s'agace.
Ainsi, le groupe de Visegrad recevra une première «tape sur la main» de la part de Bruxelles par l'intermédiaire du président du Conseil européen Donald Tusk. Suite au contre-sommet de Prague, ce dernier avait fait part de sa crainte de voir apparaître une possible «division entre l'est et l'ouest de l'Union européenne». «Certains Etats membres ne pensent qu'à endiguer la vague de migrants, ce qui est symbolisé par la clôture controversée en Hongrie [ndlr: à la frontière avec la Serbie] tandis que d'autres veulent plus de solidarité», a-t-il regretté.
Même initiative du côté français, où le président Hollande se chargera lors de sa grande conférence de presse de septembre d'adresser un pan sur le bec au V4. «Il y a des pays qui voudraient faire des critères ethniques, qui voudraient accueillir certains réfugiés et pas d'autres, qui veulent bâtir des murs, mais qu'auraient pensé ces pays si nous avions agi ainsi il y a 30 ans, lors de la chute du mur de Berlin ?» a ainsi tancé François Hollande.
Une pique pleine de condescendance qui ne risque pas de faire retomber la tension électrique qui règne désormais entre l'Europe de l'Ouest et celle de l'Est.