Les autorités ukrainiennes ont interdit de séjour plusieurs journalistes, puis ont retiré certains noms en y gardant des centaines d’autres. Guy Mettan, directeur exécutif du Club suisse de la presse, explique la logique de ces manœuvres déroutantes.
RT France : Le président Petro Porochenko avait interdit l’entrée en Ukraine à plusieurs journalistes, y compris ceux de plusieurs médias parmi les plus respectés de la profession. Mais le jour même, des représentants de BBC, Zeit et El Pais ont été rayés de cette liste. Qu’est-ce que cela veut dire selon vous ?
Guy Mettan (G.M.) : Ce qui est regrettable dans cette interdiction, c’est le fait que le gouvernement ukrainien, qui avait prétendu faire sa révolution pour se joindre aux valeurs occidentales, est en train de les trahir. Les valeurs occidentales dont ils se réclamaient à Maïdan, c’était justement la liberté d’expression, la liberté d’écrire, la liberté de se déplacer – spécialement pour la presse. Et cette interdiction rentre en flagrante contradiction avec les valeurs qu’ils prétendaient défendre. Donc on voit qu’il y a une trahison de ces valeurs. Et le fait que des journalistes occidentaux qui figuraient sur cette liste ont été retirés montre le règne du deux poids deux mesures. On interdit d’un côté puis on se rend compte de ce que cela pourrait causer – et bien on les retire de la liste, mais on ne le fait pas pour des journalistes d’autres pays. Donc ça montre qu’il y a un double standard dans le traitement des journalistes de la part du gouvernement ukrainien.
RT France : Les journalistes de la BBC, de Zeit et de El Pais ont été retirés de la liste d’interdiction, mais en même temps y sont gardés des journalistes et des bloggeurs des pays Baltes et d’autre pays encore. Pourquoi est-ce que le gouvernement ukrainien agit de telle manière ?
Il a très peur de la vague d’indignation que la publication de cette liste susciterait
G.M. : Il y a un double standard. Je pense que le gouvernement ukrainien a très peur des réactions d’indignation qui sortent en Europe de l’Ouest, parce que les journalistes exclus de la liste représentent l’Europe de l’Ouest – l’Espagne, l’Allemagne, l’Angleterre. Il a très peur de la vague d’indignation que la publication de cette liste susciterait dans des pays ou les opinions publiques jusqu’à maintenant le soutenaient. Il a eu peur des réactions en Europe Occidentale et du fait qu’il aurait perdu leur soutien – y compris le soutien militaire, le soutien de l’OTAN. Tandis que l’opinion publique des pays Baltes lui importe assez peu.
RT France : Mais alors quel but voulait atteindre le président Porochenko en publiant une telle liste ?
G.M. : C’est une erreur politique, ils veulent absolument que le discours antirusse et pro-ukrainien se maintienne dans la presse occidentale, alors ils ont voulu faire taire tous les gens qui avaient une opinion critique. Et puis après ils se sont aperçus que c’était une erreur, un scandale, qu’ils avaient introduit l’interdiction pour les journalistes de l’Europe Occidentale – donc ils sont revenus en arrière.
On ne sélectionne que des journalistes qui n’ont pas de regard critique. C’est une aberration du point de vue de la déontologie journalistique
RT France : Comment est-ce que les medias peuvent couvrir objectivement la situation en Ukraine si on interdit même aux journalistes l’accès au pays ?
G.M. : Le réponse est simple – ce n’est pas possible de la couvrir objectivement. Si on filtre les journalistes, quelle que soit la situation, on ne peut pas la couvrir objectivement. On ne sélectionne que des journalistes qui sont d’accord avec une orientation et pas avec l’autre, qui n’ont pas de regard critique. C’est une aberration du point de vue de la déontologie journalistique. C’est absurde !