Cette année, la 70e session de l'Assemblée générale des Nations Unies (AGNU) risque bien de prendre l'allure d'un véritable parcours du combattant. D'abord, parce qu'il s'agît d'un jubilé, ensuite parce que la situation géopolitique mondiale bouillonne de tous les côtés depuis plusieurs mois.
Aussi, si durant la session, ce sont plus de 160 chefs d'Etats qui devront intervenir à la tribune, les plus attendus restent les plus influents et controversés.
Vladimir Poutine
Le président russe Vladimir Poutine, qui revient à l'ONU après 10 ans d'absence interviendra à la tribune le 28 Septembre. Il ne manquera pas d'évoquer le conflit syrien, la Russie restant un soutien de taille au président Bachar al-Assad, n'en déplaise à l'UE et aux Etats-Unis qui plaident en faveur de la destitution de ce dernier.
Il y a quelques jours, deux avions d'aide humanitaire russe sont arrivés en Syrie. Ils ont été chaleureusement salués par les autorités et les résidents de la province de Lattaquié.
Un discours sur la situation en Ukraine est également très attendu, bien que le Kremlin ait annoncé que le sujet ne serait pas mis sur la table. Le président Poutine s'est récemment félicité du cessez-le-feu intervenu dans l’est de l’Ukraine, une «réussite majeure du processus de paix» selon lui et qui marque la fin des bombardements de la région du Donbass «par les soi-disant bataillons de volontaires et les forces armées ukrainiennes». Il avait alors estimé que le délai pour la mise en application des accords de paix de Minsk pouvait être prolongé.
Reste à savoir si Poutine et Obama vont se croiser lors de l'assemblée, les relations russo-américaines restant tendues et les deux chefs d'Etat ne s'étant pas entretenus depuis plusieurs mois, ayant une vision complétement opposée des situations citées plus haut. La Russie subissant des sanctions économiques de plus en plus appuyées de la part de l'Occident, tout laisse présager qu'il pourrait y avoir de l'orage dans l'air.
Raul Castro
Le président cubain Raul Castro doit également intervenir le même jour que le président russe. Les relations entre Cuba et les Etats-Unis s'étant depuis peu apaisées et le drapeau américain flottant pour la première fois sur l'ambassade des Etats-Unis depuis 1961.
Mais malgré ce réchauffement apparent de l’atmosphère entre les deux Etats, de nombreux points de désaccord doivent encore être réglés. En mai dernier, Raul Castro avait notamment souligné qu’il était impossible de poursuivre un processus de rapprochement diplomatique tant que Cuba restera accusée par Washington de soutenir le terrorisme international.
De plus, l'embargo américain sur Cuba n'étant toujours pas levé, on ne peut considérer que les relations diplomatiques entre les deux Etats sont définitivement rétablies. Par ailleurs, les cubains emploient le mot «blocus», plus violent que celui d'«embargo» pour évoquer la situation d'isolement que connaît l'île depuis plusieurs décénies. Le terme de «blocus» est d'ailleurs souvent repris par l'Assemblée générale des Nations unies qui condamne depuis longtemps la politique américaine vis-à-vis de Cuba, comme ce fut le cas en 2009 avec 187 voix contre 36.
Le Pape
Un discours du Pape François en personne est également très attendu. Il portera sur la tournure que prend le monde à travers le XXIème siècle et est censé donner le coup d'envoi de la conférence. Récemment, le Vatican a obtenu le droit de hisser son drapeau à l'ONU ainsi que la Palestine, en tant qu'«Etats non membres de l'ONU ayant statut d'observateur».
Hassan Rohani
Parmi les intervenants de haut niveau, figurera également le président iranien Hassan Rohani qui avait, en août dernier, loué l’accord intervenu sur le programme nucléaire iranien entre le groupe des 5+1 et Téhéran.
Selon lui, ce dernier permettra de régler les crises régionales comme celles qui secouent le Yémen ou la Syrie. Bien que les relations entre les Etats-Unis et l'Iran se soient légérement apaissées depuis cet accord, beaucoup savent que les deux Etats restent farouchement opposés en terme de politique étrangère.
Il y a quelques jours, Rohani avait annoncé à la presse qu'«aucune super-puissance» n'était capable de «dicter les décisions à prendre pour l'Iran» et qu'il «ne permettrait pas que cela se produise».
Benyamin Netanyahou
S'il y en a bien un qui est horripilé par l'accord sur le nucléaire iranien, c'est «Bibi». Convaincu que l'accord constitue une menace existentielle pour la sécurité de son pays, le premier ministre israélien ne cesse de répéter à la communauté inetrnationale que l'Iran est sur le point d'acquérir la bombe nucléaire et qu'il faut tout faire pour empêcher cette infamie.
En 2012, il avait notamment fait très fort en apparaissant à la tribune des Nations Unies muni d'un croquis simpliste, sorte de «nucléaire iranien pour les nuls» sur lequel il s'est empressé de tracer au marqueur rouge la ligne à ne pas franchir afin d'expliquer à son auditoire, dans un anglais parfait, riche et raffiné le danger imminent que représentait l'Iran.
Ainsi, hormis la situation au Moyen-Orient, le président de l'Etat hébreu risque fort de remettre le sujet du nucléaire iranien sur la table, de même que la résolution de l'ONU à autoriser la Palestine à hisser son drapeau au siège des Nations-Unies, résolution qui l'irrite également au plus haut point.
Xi Jinping
Le président chinois fait lui aussi partie des chefs d'Etats les plus attendus. Lors des célébrations dans la capitale Pékin, le 3 septembre dernier, du 70e anniversaire de la victoire sur le Japon et de la fin de la Seconde Guerre Mondiale, célébration boudée par l'Occident, Xi Jinping avait étonné par son discours pacifiste, annonçant notamment la réduction du nombre de troupes dans le pays de 300 000 soldats dans le cadre de la réforme militaire à long terme du pays.
«Quel que soit son niveau de développement, la Chine ne recherchera jamais l'hégémonie ni l'expansion, et elle n'imposera jamais à autrui les tragédies qu'elle a vécues», a-t-il assuré à son auditoire.
Barack Obama
Sur fond d'intervention en Syrie aux côtés de la coalition, de tensions avec la Russie et bien évidemment des présidentielles américaines de 2016, l'apparition de Barack Obama risque, sans surprise, d'être une des plus suivies lors la 70e session de l'Assemblée Générale de L'ONU.
L'année dernière, le discours du président américain avait porté en premier lieu sur la menace de l'Etat islamique et la nécessité que le groupe terroriste soit «affaibli et, au bout du compte, détruit. […]». Depuis, c'est le contraire qui s'est produit avec une progression importante des combattants djihadistes et la mise à sac de monuments classés au patrimoine mondial de l'humanité, telle que la ville de Palmyre.
Il avait également appelé les pays arabes à «miser sur sa jeunesse» et les jeunes à «oeuvrer pour leurs pays à travers l'éducation», à puiser la force dans «l'unité et la solidarité» s'appuyant sur la connaissance et l'instruction. Depuis, c'est au contraire, une vague migratoire sans précédent qui a déferlé sur l'Europe, des milliers de réfugiés fuyant leur pays forçant chaque jour le passage vers le continent et parmi eux, notamment beaucoup de jeunes, diplomés et qualifiés.
Ainsi, les objectifs qu'avait fixé Barack Obama à la communauté internationale sont bien loin de s'être réalisés. Pour convaincre, le chef d'Etats américain devra, à coup sûr, repenser son discours, s'orientant vers des propositions plus concrètes.