Coup de théâtre dans l'affaire Carlos Ghosn : l'ancien PDG de Renault-Nissan, qui attendait son procès en résidence surveillée au Japon, a confirmé ce 31 décembre se trouver au Liban, d'où il entend parler librement à la presse dans les jours à venir.
Je n'ai pas fui la justice, je me suis libéré de l'injustice et de la persécution politique
«Je suis à présent au Liban. Je ne suis plus l'otage d'un système judiciaire japonais partial où prévaut la présomption de culpabilité», a-t-il écrit, selon un document transmis par ses porte-parole. «Je n'ai pas fui la justice, je me suis libéré de l'injustice et de la persécution politique. Je peux enfin communiquer librement avec les médias, ce que je ferai dès la semaine prochaine», ajoute-t-il.
Le magnat déchu de l'automobile était jusque-là assigné à résidence au Japon, où il attendait d'être jugé à partir d'avril 2020 pour des malversations financières présumées.
Carlos Ghosn est arrivé le 30 décembre à l'aéroport de Beyrouth, avait au préalable indiqué à l'AFP une source sécuritaire, confirmant des informations de médias libanais.
Selon le journal libanais al-Joumhouriya, qui a dévoilé l'information, le patron déchu de l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi est arrivé à Beyrouth dans un avion en provenance de Turquie.
Son principal avocat japonais, Junichiro Hironaka, a de son côté déclaré aux médias : «C'est une surprise totale, je suis abasourdi». Il a affirmé ne pas avoir été contacté par Carlos Ghosn et avoir appris «par la télévision» qu'il avait fui le Japon.
130 jours de prison
Après l'arrestation de Carlos Ghosn le 19 novembre 2018 à Tokyo, ses avocats et sa famille ont vivement dénoncé ses conditions de détention, le traitement qui lui a été infligé et la façon dont la justice japonaise mène la procédure à charge dans ce dossier.
Il avait été libéré sous caution fin avril, mais sous de strictes conditions : il lui était notamment interdit de voir ou contacter sa femme Carole.
Mi-novembre, il avait pu lui parler à distance, par vidéoconférence, pour la première fois depuis près de huit mois.
Quelques jours plus tôt, ses enfants avaient réclamé un procès «équitable» pour leur père dans une tribune publiée sur le site de la radio publique française France Info.
Selon ses défenseurs et son équipe de communication, Carlos Ghosn demandait «la levée totale» des différentes interdictions qui pesaient sur lui, les jugeant «excessives, cruelles et inhumaines, et afin que soient respectés ses droits fondamentaux ainsi que ceux de son épouse».
Celui qui avait été salué comme «le sauveur de Nissan» après son arrivée dans le groupe japonais en 1999 a passé au total 130 jours en prison entre novembre 2018 et avril 2019, en cumulant garde à vue et détention provisoire.
Carlos Ghosn, qui fut le chef d'entreprise le mieux payé du Japon, y fait l'objet de quatre inculpations : deux pour des revenus différés non déclarés aux autorités boursières par Nissan (qui est aussi poursuivi sur ce volet), et deux autres pour abus de confiance aggravé.
Conséquence de cette affaire retentissante : le dirigeant franco-libano-brésilien a été éjecté de ses sièges de président de Nissan et de Mitsubishi Motors (3e membre de l'alliance) dans les jours qui ont suivi son interpellation, il y a 13 mois. Il a ensuite démissionné de la présidence de Renault, avant même que d'autres investigations ne soient menées en France à son encontre.
Carlos Ghosn dénonce un «complot»
Depuis le début de l'affaire, Carlos Ghosn dénonce un «complot» de la part de Nissan pour empêcher un projet d'intégration plus poussée avec Renault.
Lors d'une audience préliminaire en octobre, sa défense a demandé l'annulation des poursuites intentées contre lui au Japon, accusant les procureurs d'«actes illégaux» et de collusion avec son ancien employeur japonais pour le faire tomber.
Les inculpations sont «politiquement motivées depuis le début, fondamentalement biaisées», et «cette affaire n'aurait jamais dû donner lieu à des poursuites pénales», dénonçaient-ils.
Les conditions de liberté de l'ancien PDG de Renault-Nissan précisaient que ses passeports étaient gardés par ses avocats, garants du respect des règles imposées par la justice à son égard. Son assignation à résidence à Tokyo lui laissait la liberté de voyager à l'intérieur du Japon, mais la durée d'absence de son domicile était réglementée.
Les avocats de Ghosn s'étaient plaints de voir leur client être suivi depuis sa deuxième libération sous caution en avril, accusant dans un premier temps des officiers du bureau des procureurs puis soupçonnant ensuite des personnes mandatées par Nissan.
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