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La Mecque, après la chute de la grue, les constructions pharaoniques en question

La mort de 107 pèlerins à La Mecque causée par la chute d'une grue de construction met en lumière le rythme effréné de construction de la ville. Cela au détriment des pélerins dans le premier lieu saint de l'Islam mais aussi des habitants.

Depuis 15 ans environ, La Mecque est un vaste chantier. Et l'effondrement de la grue est l'indice du boom vertigineux de construction-déconstruction de la ville. Tout cela se fait au grand dam de certains Soudiens qui se plaignent que ces constructions souvent bling-bling dénaturent la ville sainte. 

C'est à la Grande Mosquée, vaste complexe de bâtiments religieux que ces travaux de construction frénétiques sont les plus prégnants. Chaque monarque saoudien cherche en effet à laisser sa marque sur ce coeur religieux de la ville. Le chantier en cours va ainsi agrandir de 400.000 m2 la superficie de l'édifice, avec la volonté d'y accueillir jusqu'à 2,2 millions de fidèles rassemblés au même moment. Or, c'est précisément là que la chute de la grue a eu lieu.

Le plus grand hôtel du monde, avec une capacité d'accueil de 10 000 chambres, est également en cours de construction. D'autres immeubles s'érigeant donnent à la ville arabe des allures de Manhattan: parmi elles, la Tour de l'horloge royale, haute de 76 étages et le gigantesque complexe Abraj Al-Bait qui lui est adjacent. Ce complexe comprend six tours et un centre commercial de plusieurs étages. La tour de l'Horloge, qui évoque une «Big Ben», est construite juste à côté de la Kaaba, la pierre noire révérée lors du pélerinage.

Le projet pharaonique de développement de la Mecque est supervisé par l'un des principaux constructeurs du pays, la Saudi Bin Laden Group, et dispose du soutien direct du gouvernement. Ces projets sont surtout pour la famille royale de distribuer la richesse du pétrole et du mécénat au sein d'un cercle restreint de princes et de leur entourage. Une façon de s'assurer, ou d'acheter, les loyautés.

Les partisans du projet avancent que ces constructions aboutiront à de nouveaux logements, une rocade, des parcs de stationnement et un nouveau métro.

Les détracteurs soulignent le fait que les machines de construction sont déployées dans les zones accessibles au public. En outre, les règles de sécurité classiques, casques, gants, ne sont pas respectées. La raison tient aux températures qui peuvent atteindre 45°Celsius dans le pays. Pour démontrer la dangerosité de ces travaux, ces détracteurs rappellent également que 15 des plus hautes grues du monde surplombent en ce moment même la Grande Mosquée. Elles y sont installées depuis 3 ans. Que se passerait-il si une seule s'écroulait? Elle pourrait entraîner les autres dans sa chute sur un des endroits les plus fréquentés de la ville. Plus encore, cette Mosquée reçoit plus de 2 millions de personnes pendant le Hadj, pélerinage obligatoire qui fait partie des piliers de l'Islam pour les Musulmans du monde entier.

Autre question soulevée par ces constructions grandiloquentes, la destruction du patrimoine islamique: selon certains experts, 90% des lieux saints, dôme et tombes de grandes figures de l’islam, dont les proches du Prophète de l'Islam, ont été détruits pour faire place à ces constructions nouvelles. Trois mosquées du 7ème siècle ont ainsi été rasées. La secte wahabbite, qui a conquis La Mecque en 1924 et dirige l'Arabie Saoudite, semble ainsi vouloir laisser une empreinte indélébile sur les lieux saints dont elle est pourtant la gardienne.

Le prix de l'immobilier autour de la Grande Mosquée est parmi les plus élevés au monde, mais des quartiers délabrés et d'une pauvreté absolue demeurent, non loin du centre, peuplés essentiellement de Nigérians et de Birmans. Autre problème soulevé, le groupe Bin Laden a fait évacuer de vastes zones de taudis dont les habitants ne sont pas certains de recevoir une indemnisation adéquate ni de trouver un nouvel endroit pour vivre.