A 62 ans, celui que l'on surnomme le «chasseur de dictateurs» ne semble pas encore décidé à raccrocher les gants. Pour preuve, il imagine même un jour pouvoir agrafer à son tableau de chasse, l'ex-président des Etats-Unis George Bush, qu'il accuse publiquement de tortures.
Et c'est en marge du procès du dictateur tchadien Hissène Habré que le militant des droits de l'Homme a fait cette déclaration à l'AFP. Interrogé sur son avenir lorsque le dossier sera bouclé, il a ainsi répondu: « Si je pouvais amener en justice une personne, ce serait George W. Bush -président des Etats-Unis de 2001 à 2009- pour les tortures, le waterboarding(simulation de noyade), les prisons secrètes, le transfèrement des prisonniers vers des lieux de torture, etc.». Conscients de la difficulté de la tâche, le porte-parole de l'ONG Human Rights Watch a lancé «ce ne sont pas les difficultés qui m'effraient».
Il faut dire que l'homme n'en est pas à son coup d'essai. La drôle de destinée de l'Américain commence en 1984, lorsque au cours d'une visite au Nicaragua, il découvre des atrocités commises par des opposants à la Révolution sandiniste, les «Contras», soutenus par Washington. De retour au pays, il démissionne de son poste de substitut du procureur de New-York pour retourner enquêter cinq mois en Amérique du Sud. Son rapport, publié en mars 1985, fait grand bruit et convainc «le Congrès américain de couper les crédits aux contre-révolutionnaires». Ceci marque la première victoire du jeune Reed Brody.
Il travaille ensuite pour les Nations Unies et participe à plusieurs commissions d'enquête au Salvador et en République démocratique du Congo. Reed Brody noue alors de nombreux contacts avec des associations de défense des droits de l'Homme. En 1998, il participe à l'extradition en Espagne du dictateur Pinochet réfugié à Londres avant de s'emparer du dossier de l'ex-dictateur tchadien Hissène Habré, qui coule une fin de vie tranquille au Sénégal après avoir été renversé.
En 2007, Reed Brody acquiert une certaine notoriété internationale avec la diffusion d'un documentaire de Klaartje Quirijns qui lui est entièrement consacré «The Dictator Hunter» (le chasseur de dictateurs). Dans ce film, il dit notamment: «Si vous tuez une personne, on vous envoie en prison. Si vous tuez 40 personnes, on vous envoie dans un hôpital psychiatrique. Mais si vous tuez 40000 personnes, vous pouvez bénéficier d’un exil confortable avec un compte en banque bien fourni dans un autre pays. C’est cela que nous voulons changer»
Le juriste américain a été l'un des premiers à dénoncer les abus de l'administration Bush dans sa lutte acharnée contre le terrorisme et évoquer le sort des détenus de la prison irakienne d'Abou Ghraib et des disparus de Al-Qaïda. Il est d'ailleurs l'auteur d'un livre au titre évocateur: «Faut-il juger George Bush ?». Il a apparemment trouvé la réponse.