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Haro sur la barbe au Tadjikistan ! La résistance s'organise

L'ancien état soviétique, enclavé entre l'Afghanistan et la Chine, a lancé une grande campagne pour limiter le pouvoir des islamistes sur ses terres. Bien que rien ne soit officiel, les barbus sont donc pourchassés par la police et rasés de force.

En avril dernier, le blogueur tadjik, Rustal Gulov, a vécu une expérience pour le moins désagréable. Embarqué par la police, le jeune barbu raconte avoir été rasé de force par les agents à l'issue de sa garde à vue: «A en juger par les poils dans la pièce, j'estime qu'ils avaient rasé la barbe d'environ 200-250 personnes avant moi». Et le blogueur n'est pas le seul à avoir fait les vrais des tondeuses tadjiks. Selon les informations du Guardian, un jeune homme d'une vingtaine d'années a été admis au début du mois dans un état critique à l'hôpital après avoir été battu par la police. Son tord ? porter une barbe bien trop visible !

De son côté pourtant, le ministre de l'Intérieur a tenu lui à minimiser ces affaires médiatisées. Niant que des ordres directs aient été donnés aux forces de police pour raser les barbus, le ministre a néanmoins reconnu que si ses agents avaient abordé des hommes poilus, c'était essentiellement pour s'assurer «qu'ils prennent correctement soin d'eux, et qu'ils respectent une certaine hygiène personnelle».

Mais que se cache-t-il donc derrière cette barbe tadjik ?

Une pirouette sémantique qui ne saurait cacher les véritables motivations de cette chasse au poils. Après avoir conclu une alliance avec les islamistes de son pays pour atteindre la plus haute marche du pouvoir en 1992, le président Emomalii Rahmon a décidé de les évincer cinq plus tard pour rester seul aux manettes. S'en est donc suivi une vague de répression sans précédent concernant la religion et tout ce qui s'y rattache dans un pays pourtant totalement musulman (95% sunnites et 5% chiites). Outre l'interdiction de fait de porter la barbe, le président a également essayé de limiter les importations de hijabs et d'éliminer les noms considérés comme «trop arabes».

Des prohibitions qui n'empêchent pas certains jeunes d'afficher fièrement leurs barbichettes dans la capitale du pays, Douchanbé. Point de «motivations religieuses» ici, mais plus la volonté de se sentir libre de faire ce que bon leur plaît.

Reste que cette initiative du président tadjik ne peut que rappeler «l'impôt sur la barbe» instauré par Pierre le Grand au 18ème siècle. Après un voyage en Europe, le tsar russe désireux d'occidentaliser son peuple -la barbe apparaissant à ses yeux comme une coutume arriérée- décida d'éliminer les barbichettes ou de taxer les récalcitrants. La légende raconte ainsi que lors de la grande fête donnée en son honneur lors de son retour au pays, Pierre le Grand sortit ses ciseaux de barbier et tout en étreignant ses amis...commença à leur raser les poils du menton.