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Guatemala : la levée de l'immunité du président, un exemple pour l'amérique centrale ?

Les Guatémaltèques sont descendus dans les rues pour célebrer la levée de l'immunité du président Otto Pérez, qui sera poursuivi pour corruption, dans un climat de protestation populaire inédit dans le pays qui pourrait s'étendre aux Etats voisins.

Plusieurs centaines d'habitants se sont rassemblés dans la joie devant le Parlement qui venait d'approuver à l'unanimité à 16H30 locales (22H30 GMT) le retrait du bouclier judiciaire du président conservateur Otto Pérez, grâce au vote à l'unanimité des 132 députés présents (sur 158 que compte l'assemblée).

La joie du peuple à l'annonce de la décision du Parlement

Otto Pérez, est accusé d'avoir été à la tête d'un vaste réseau de corruption et cette décision ouvre la voie à des poursuites judiciaires à son encontre.

Faisant sonner leurs trompettes et exploser des pétards, les manifestants, à la fois heureux et très émus, ont ensuite rejoint la place centrale de la ville de Guatemala Ciudad, où ils étaient plus d'un millier en début de soirée, malgré l'intense pluie tropicale.

Et pour cause : c'est la première fois dans l'histoire du Guatemala qu'un président perd sa protection judiciaire. Hier soir, mardi, la justice a interdit à Otto Pérez de quitter le territoire du Guatemala. 

Cependant, selon la procureure générale Thelma Aldanselon qui s'est exprimée sur la télévision locale, «il existe toujours le risque et la possibilité qu'il puisse abandonner le pays», soulignant que «M. Pérez est désormais un citoyen ordinaire pour le système judiciaire, même s'il continue d'exercer comme président».

De fait, le futur-ex-président, ce général en retraite de 64 ans, est accusé par le parquet et une commission de l'ONU contre l'impunité (Cicig) d'avoir dirigé un système de corruption au sein des douanes, via lequel des fonctionnaires touchaient des pots-de-vin pour exonérer de taxes certaines importations.

Ce scandale, révélé en avril, sa suscité une vague de mécontentement historique au Guatemala où des manifestations pacifiques on été organisées chaque semaine.

Un mandat despotique 

Durant son mandat, Pérez s'est entre autre démarqué en soutenant la légalisation des drogues comme moyen de lutte contre le narcotrafic.

Mais, surtout, il a placé des proches à des postes-clés, afin de contrôler l'organisme de collecte des impôts.

Arrivé au pouvoir, il avait fortement augmenté les impôts sur le revenu et mis en place un ministère du Développement social, qui n'a pas permis toutefois de réduire une pauvreté endémique.

«C'est le prototype de l'homme politique guatémaltèque, très apprécié des élites qui ne veulent pas que les choses changent», a expliqué Manfredo Marroquin, directeur de l'ONG Accion Ciudadana, branche locale de l'organisation anti-corruption Transparency International.

«Sa plus grande erreur a été de croire dans le régime d'impunité» qui prévalait avant, mis à mal par la Cicig, a-t-il ajouté.

L'ancienne vice-présidente de Pérez, Roxana Baldetti, est déjà en détention provisoire dans cette affaire.

Un exemple pour les pays voisins d'Amérique centrale ?

La vague populaire inédite qui déferle au Guatemala rappelle le mouvement des Indignés espagnols, ses promoteurs souhaitant inspirer le Honduras et le Salvador voisins.

«Oui, nous nous réclamons des Indignés», a confié à l'AFP Alvaro Montenegro, étudiant en droit de 27 ans qui fait partie des organisateurs des premières manifestations au Guatemala, en avril.

«D'une certaine manière, oui cela nous inspire mais ce n'était pas planifié, il y a des circonstances propres à chaque pays», a-t-il expliqué, soulignant les différences entre l'Espagne et le Guatemala, pays miné par la violence du crime organisé et la pauvreté, après 36 ans de guerre civile.

L'étincelle a été un simple événement organisé via Facebook : un appel à manifester le 25 avril dernier, après la révélation du scandale de corruption touchant le gouvernement de Pérez.

«Nous avons écrit un communiqué pour dire que nous n'étions liés à aucun parti politique, qu'on n'allait installer aucune scène car nous ne voulions promouvoir aucun leader, et que nous voulions un mouvement pacifique», précise Alvaro.

Grâce au bouche-à-oreille et aux réseaux sociaux, les espoirs des organisateurs ont été dépassés de très loin : dès la première manifestation, un cortège de 30 000 personnes est descendu dans les rues. Des familles, des étudiants, des retraités et des indigènes, s'y cotoyaient.

L'ambiance et les mots d'ordre de cette vague de manifestations rappellent les Indignés, vaste mouvement de ras-le-bol populaire contre la corruption qui avait secoué l'Espagne à partir de 2011.