Après avoir vécu une transition politique difficile au sortir de la révolution de 2011, la Tunisie est toujours confrontée à un défi de poids : la sécurisation de son territoire face à la menace terroriste. Le 10 juin dernier, le ministre de la Défense Abdelkrim Zbidi était pourtant formel : «La Tunisie vit actuellement sa meilleure période de stabilité sécuritaire.» Les deux attentats-suicides qui ont secoué Tunis, en plein cœur ce 27 juin, sonnent désormais comme une réponse cinglante des organisations terroristes à ces propos rassurants.
Ces attentats à Tunis viennent s’ajouter à une liste déjà fournie. Dans la seule capitale, quatre attaques notables ont été commises dont celui visant le musée du Bardo en mars 2015 et qui a fait 22 morts.
Un pays coincé entre deux foyers terroristes
La Tunisie, où l'Etat d'urgence est en vigueur depuis novembre 2015, est exposée à un environnement régional instable. L’une des menaces auxquelles doit faire face le pays se nomme Libye. Dans ce pays, les organisations terroristes profitent du chaos politico-sécuritaire ambiant provoqué par l'intervention de l'OTAN en 2011 contre le colonel Mouammar Kadhafi.
La recrudescence des attaques de Daesh dans le sud libyen mais également dans la capitale Tripoli témoigne de la facilité des organisations terroristes à retrouver rapidement leur capacité de nuisance. De fait, les autorités tunisiennes demeurent sur le qui-vive, la capitale libyenne étant située à moins de 200 km d’une frontière pour le moins poreuse.
Dans la région de Ben Guerdane, dernière grande ville tunisienne avant la frontière entre la Libye, les soldats de l’armée tunisienne interceptent en effet régulièrement des armes lourdes soupçonnées de provenir du terrain libyen. C’est dans cette localité, que, le 7 mars 2016, des djihadistes avaient lancé des attaques coordonnées contre des installations sécuritaires. 55 assaillants, 13 membres des forces de l’ordre ainsi que sept civils avaient alors été tués.
La Tunisie doit également faire face à un autre front tout aussi menaçant, au centre-ouest du pays, près de la frontière algérienne. Dans cette région, les éléments de l’armée tunisienne sont confrontés aux activités terroristes des branches tunisiennes de l’EI et d’Al Qaida au Maghreb islamique (Aqmi). Celle-ci avait revendiqué l’attaque menée en juillet 2018 contre une patrouille de la Garde nationale. Elle avait alors fait six morts. En réponse, l’armée tunisienne avait organisé plusieurs opérations de ratissage. Si plusieurs terroristes ont été neutralisés dans les semaines et mois qui suivirent, les forces tunisiennes peinent toujours à purger la région des djihadistes.
L’inquiétant retour des djihadistes d'Irak et de Syrie
La Tunisie est également confrontée à une autre menace : le retour des djihadistes qui ont combattu en Irak et en Syrie aux côtés des combattants de l’EI et d'autres organisations terroristes défaits dans la plupart de ses fiefs. Selon les chiffres de l’ONU, en 2015, ils seraient 4 000. Un contingent important, l’un des plus importants au monde, qui inquiète les autorités.
Selon une analyse de Lisa Watanabe, chercheuse au Center for Security Studies, un centre de compétence de politique de sécurité suisse et internationale qui fait partie de l’École polytechnique fédérale de Zurich «certains combattants étrangers ont déjà regagné leurs pays d’origine ou de résidence en Afrique du Nord».
«On sait ainsi qu’environ 800 Tunisiens, 220 Marocains et au moins 87 Algériens sont rentrés (soit environ 25 %, 13 % et 33 % du nombre total de personnes qui avaient rejoint la Syrie et l’Irak). Compte tenu de l’importance stratégique de la Libye pour l’EI, il est probable qu’un certain nombre de combattants étrangers libyens soient également revenus dans leur patrie, bien qu’aucun chiffre officiel ne soit disponible. Comme ils risquent d’être arrêtés s’ils passent par les points d’entrée officiels, il est probable qu’un certain nombre est également retourné de manière clandestine», affirme-t-elle.
«S'il y a des combattants tunisiens [...] qui veulent rentrer en Tunisie, la Constitution prévoit qu'on doit accepter tous les citoyens, mais il faut qu'ils passent par la justice et éventuellement la prison», avertissait, il y a peu, le président Béji Caïd Essebsi.
Pour autant, le retour au pays dans la clandestinité de certains djihadistes, impose aux autorités tunisiennes deux autres défis de taille pour préserver le pays de nouvelles attaques terroristes : leur recensement et, surtout, leur déradicalisation.
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Malik Acher