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Ligne directe : Vladimir Poutine répond en direct aux questions de ses concitoyens

Très suivie en Russie, la séance de questions-réponses à laquelle se prête le chef d'Etat chaque année à la télévision a lieu ce 20 juin 2019. L'occasion pour les citoyens de s'adresser directement à Vladimir Poutine sur les sujets de leur choix.

Jeudi 20 juin

Le président russe a fini de répondre aux questions de ses concitoyens, la ligne directe a durée 4 heures et 16 minutes. Vladimir Poutine donne désormais une conférence de presse, dans laquelle il réagit notamment aux conclusions de l'enquête sur le vol MH17 de la Malaysia Airlines, abattu au dessus de l'Ukraine en 2014.

«Ce qui a été présenté comme une preuve de la culpabilité de la Russie ne vaut rien. Nous ne considérons absolument pas ça comme des preuves. Cela ne signifie rien du tout, nous avons notre version, nous l'avons présentée», a fait savoir le chef d'Etat, qui estime que «le coupable a été trouvé d'office» dans cette affaire.

Interrogé sur sa faculté à garder son calme face à ses homologues, même lorsque ces derniers traînent la Russie dans la boue, Vladimir Poutine a évoqué son passé. «J'ai grandi à Leningrad, le milieu invite à une certaine harmonie. Il exerce une certaine influence sur la personne», a-t-il confié.

«Quand les relations deviennent complexes, le dernier élément qui permet de dialoguer, c'est l'échange entre les numéros uns. Il ne faut jamais fermer les portes, c'est dans l'intérêt des nations, il ne faut jamais l'oublier», a ajouté le président russe.

Le président russe a été interrogé sur la possibilité d'un conflit entre les Etats-Unis et l'Iran. Il a répondu que la question se posait, car il ne dispose pas de lien direct avec le président américain Donald Trump.

Vladimir Poutine a précisé qu'une guerre serait un véritable désastre. «Les conséquences seront tristes pour toutes les parties, j'en suis certain. Cela provoquerait une flambée des violences et la hausse du nombre des réfugiés», a-t-il déclaré, notant par ailleurs que l'Iran se conformait pleinement à l'accord sur le nucléaire avec l'AIEA, et n'en violait aucune clause. «Les sanctions contre Téhéran ne sont donc pas justifiées», a-t-il assuré.

Concernant l'armement nucléaire de la Russie, Vladimir Poutine a répondu par la célèbre locution latine : «Si vis pacem parra bellum, si vous voulez la paix, préparez-vous à la guerre.»

Le chef d'Etat a également souligné que ceux qui ne voulaient pas nourrir leur armée finiraient par nourrir quelqu'un d'autre. Il a précisé que la Russie était l'une des seules grandes puissances qui réduisait méthodiquement ses dépenses militaires tout en restant à l'avant-garde du développement.

Sur les relations russo-américaines, Vladimir Poutine a réitéré être ouvert au dialogue. «Le dialogue est toujours souhaitable. Bien entendu, si la partie américaine manifeste un intérêt pour ça, nous sommes prêts à ce dialogue», a-t-il déclaré.

S'il reconnaît que le président américain aimerait procéder à un rapprochement entre les deux pays, Vladimir Poutine souligne que l'establishment américain lui met «des bâtons dans les roues» et pèse sur les relations bilatérales. «Des qu'ils sont prêts, nous sommes aussi prêts à discuter», a-t-il martelé, soulignant que les discussions pourraient porter sur de nombreux domaines, autant économiques que de sécurité internationale.

Concernant les sanctions, Vladimir Poutine a estimé qu'il s'agissait d'une «grande erreur». «J'espère qu'ils en prendront conscience et qu'ils changeront», a-t-il ajouté.

Le président russe a attiré l'attention sur la question de la préservation du socialisme, rappelant que c'était le parti communiste qui avait dissout l'Union soviétique. «Quelle est la question ? Est-il possible de revenir au socialisme ?», s'est demandé le chef d'Etat, avant de répondre que c'était selon lui «peu probable», car le pays avait «beaucoup changé depuis».

Sur les relations avec l'Ukraine et son nouveau président, Volodymyr Zelensky, Vladimir Poutine a déploré que ce dernier ne souhaitait pas discuter avec les dirigeants des régions séparatistes. «Alors comment résoudre le problème ?», s'est-il interrogé, notant que «d'autant plus, les bombardements se [poursuivaient]».

«Faire des pas en faveur d'une rencontre oui, mais il faut une volonté politique», a expliqué Vladimir Poutine sur une éventuelle rencontre avec son homologue ukrainien. Le chef d'Etat a expliqué avoir vu dans les années 2000 des performances humoristiques de l'actuel président ukrainien, jugeant ce dernier «talentueux et drôle». «Mais ce qui se passe dans le Donbass n’est pas drôle du tout», a déclaré Vladimir Poutine, soulignant que rien n'était fait pour améliorer la situation dans la région, et qu'au contraire, le blocus des républiques autoproclamées se durcissait.

Interrogés sur une éventuelle légalisation de produits stupéfiants, Vladimir Poutine s'est montré catégorique : «Non, c'est une menace pour la nation.» Notant que 26% des personnes incarcérées étaient en prison pour trafic de stupéfiants, le président russe a insisté sur le fait que ces derniers devaient assumer leurs responsabilités.

Une question porte sur la multiplication des contrôles sur les PME, et la pression qui est mise sur les entreprises. «Il est naturel que les organismes de contrôles procèdent à ces vérifications», note Vladimir Poutine, qui souligne toutefois que les contrôleurs doivent aussi faire l'objet d'un retour de la part des personnes qui sont contrôlées, afin de limiter d'éventuels abus.

Une question a été repérée par Vladimir Poutine lui-même : «Quand est-ce que les fonctionnaires vont-ils gagner autant que des travailleurs ordinaires ?»

«Je voudrais que le niveau de revenu des travailleurs atteigne celui des ministres, mais pas que les salaires des ministres tombent au niveau de celui des travailleurs», a-t-il déclaré, soulignant que la différence de salaire ne devrait pas être colossale.

Une attaque par déni de service (DDOS) «de l'étranger» a touché l'application qui permet de se connecter à la ligne directe, causant certains problèmes, selon la présentatrice. La séance de questions peut toutefois se poursuivre.

Plusieurs questions portent sur les sanctions économiques émises par les Occidentaux contre Moscou. Selon le président russe, ces sanctions touchent de façon plus dure encore les pays qui les mettent en œuvre que la Russie elle-même. «On a perdu 50 milliards de dollars, l'Europe en a perdu 240. Tous les secteurs économiques de l'Europe ont souffert», souligne-t-il, précisant que les Etats-Unis ont de leur côté perdu 17 milliards de dollars, et le Japon 27 milliards de dollars.

Les sanctions ont qui plus est obligé la Russie à développer des domaines dans lesquels elle n'avait pas forcément de compétences, selon le président russe : «Dans beaucoup de secteurs, cela nous a mobilisé.» Si il affirme que Moscou a pu en tirer bénéfices, il estime toutefois préférable pour tout le monde que les Occidentaux y mettent un terme.

Si la Russie «se réconcilie avec tout le monde», demande le modérateur, quel effet pour l'économie ? «Se réconcilier mais avec qui ? Nous ne sommes fâchés avec personne», rétorque Vladimir Poutine. Le président russe ne croît pas à une évolution de la situation, jugeant qu'«aucun changement fondamental [n'était] à l'ordre du jour». Une situation qu'il compare avec la guerre commerciale que mènent les Etats-Unis à la Chine : «En fait, ce sont les mêmes sanctions.» Selon lui, les dispositions américaines prises contre l'entreprise Huawei ont pour objectif de contenir l’économie chinoise.

Après des années de discussions, une réforme très attendue a été lancée avec pour ambition de changer l'attitude des Russes vis-à-vis des déchets, ainsi que la façon de les collecter et de les recycler. La responsabilité de toute la chaîne de transport des déchets, des réservoirs aux sites d'enfouissement, repose dans chaque région sur un seul opérateur. Sans exception, les déchets passent par les installations de tri pour séparer au maximum les matières premières recyclables.

Comme auparavant, les citoyens paient pour ces services. Le nouveauté repose dans le tarif approuvé par les autorités régionales. Depuis le 1er février, les Russes reçoivent des factures séparées pour le recyclage. Cette mesure a suscité indignation et incompréhension chez de nombreux citoyens russes.

Les question sur les déchets et le recyclage font parti des trois questions les plus posées au président russe. Les Russes dénoncent l'inaction politique sur le recyclage et la gestion des décharges publiques. Une bloggeuse explique par exemple que, dans sa ville, de nombreux espace de tris des déchets ont été mis en place, mais beaucoup de personnes soupçonnent que final les déchets ne soient pas vraiment triés.

«Il faut que des contrôles soient effectués. Je demanderai au service public d'effectuer des vérifications», répond Vladimir Poutine.

La question suivante porte sur «les projets nationaux» et leurs résultats. «Nous devons modifier la structure de notre économie», répond Vladimir Poutine, qui souligne que ces projets sont un «élément clé» pour le développement du pays.

Dans leur domaines respectifs, la responsabilité personnelle des ministres est engagé pour la mise en œuvre de ces projets, a fait savoir Vladimir Poutine.

Sur le sujet de la santé, une jeune femme qui vient d'avoir un enfant évoque la difficulté d'avoir accès un médecin, et l'impossibilité de consulter un spécialiste près de chez elle. Un problème auquel d'autres Russes ont fait écho, dans d'autres régions, qui déplorent une insuffisance de moyens, qui se répercute sur l'accès de la population aux services médicaux.

«Il y a une pénurie de 25 00 spécialistes, 130 000 médecins généralistes manquent», reconnaît Vladimir Poutine, qui souligne qu'en dépit des problèmes, «le domaine de la santé publique se développe». Le président russe note en outre qu'un problème sur l'approvisionnement des médicaments subventionnés existe.

La première question porte sur la précarité et le niveau de salaires dans le service public, pour les enseignants, les médecins ou encore les pompiers. En guise d'exemple, un pompier – qui dit toucher 16 000 roubles par mois (223,76 euros), ce qui l'oblige à avoir un autre emploi – demande au président russe quand les salaires seront augmentés.

Vladimir Poutine explique qu'une augmentation des salaires a été décidée pour l'année prochaine, et promet d'investir dans les services d'urgence. Il a par ailleurs demandé à vérifier les différents plaintes reçues concernant des salaires à 10 000 roubles (139 euros). Selon le chef d'Etat, on ne peut pas être payé en dessous du niveau de SMIC russe. A noter qu'à partir du 1er janvier 2019 le niveau de SMIC en Russie a été augmenté jusqu'à 153 euros.

La ligne directe avec Vladimir Poutine débute : le sujet du recyclage des déchets devrait occuper une place de choix.