Alors que Washighton accuse Téhéran d'être «responsable» des attaques perpétrées contre deux pétroliers (un navire norvégien et un japonais), touchés par des explosions en mer d'Oman le 13 juin, Moscou a manié l'ironie pour faire part de ses doutes.
«Nous n’avons pas oublié les flacons de poudre blanche», a ainsi déclaré le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, lors d'un entretien accordé à la chaîne de télévision russe Rossiya 1 le 16 juin.
Le porte-parole russe faisait ici référence au discours prononcé par le Secrétaire d'Etat américain Colin Powell le 5 février 2003 devant le Conseil de sécurité de l'ONU, lors duquel le responsable américain avait brandi une fiole censée contenir le virus de l'«anthrax» (maladie du charbon), supposément produit en masse par Saddam Hussein. L'accusation visait à justifier une intervention en Irak. La mise en scène, jugée grotesque par la majorité des observateurs de l'époque, ont rendu cet épisode célèbre dans l'Histoire comme un modèle de mensonge d'Etat. Colin Powell a en effet reconnu ensuite avoir été trompé.
«Nous nous en souvenons. Cela étant, nous avons appris à garder notre retenue dans nos estimations et nous appelons toujours à évaluer la situation de manière lucide et à attendre des données convaincantes», a par ailleurs déclaré Dmintri Peskov. Et d'ajouter : «Dire que ce sont des données secrètes est absurde dans ce cas-là. De tels incidents peuvent véritablement secouer les fondations de l'économie mondiale, donc aucune accusation sans fondement ne devrait être prise en considération.»
Le 13 juin, l'actuel Secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo a ouvertement accusé l'Iran d'«attaque flagrante contre la liberté de navigation», motivée selon lui par la volonté de perturber le marché mondial en empêchant le passage du pétrole brut par le détroit d’Ormuz. Dans le même temps, la marine américaine a diffusé une vidéo censée montrer un navire de patrouille «retirant une mine non explosée de la coque», sans qu'il soit possible d'identifier ses occupants.
«On voit le bateau, avec une mine qui n'a pas explosé et c'est signé», a abondé Donald Trump le 14 juin, accusant à son tour l'Iran.
Le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Abbas Moussavi, a appuyé le fait que, pour lui, les accusations du chef de la diplomatie américaine étaient «sans fondement». «Le fait que les Etats-Unis aient immédiatement sauté sur l’occasion pour lancer des allégations contre l’Iran [sans] le début d’une preuve fondée ou circonstancielle, fait apparaître en pleine lumière le fait que [Washington et ses alliés] sont passés au plan B : celui du sabotage diplomatique […] et de maquillage de son terrorisme économique contre l’Iran», a également déclaré sur Twitter le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif.
L'Union Européenne ne marche pas dans les pas des américains
Loin de se satisfaire des accusations américaines et britanniques, plusieurs Etats membres de l'Union européenne se sont montrés prudents sur la question le 17 juin, à l'occasion d'une rencontre de ministres des Affaires étrangères de l'UE à Luxembourg.
«Une telle décision doit être prise avec la plus grande attention. Je connais l'évaluation faite par les services de renseignement américains et britanniques, mais nous n'avons pas encore décidé cela en ce qui nous concerne. Il faut être très prudents et nous recueillons plus d'informations», a notamment déclaré le chef de la diplomatie allemande Heiko Maas à son arrivée lors de la rencontre à laquelle les ministres des Affaires étrangères français et britannique n'ont pas participé.
Même son de cloche chez plusieurs autres chefs de la diplomatie européenne, qui ont soutenu la demande d'enquête indépendante formulée par le Secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres.
Le haut représentant de l'Union européenne pour les Affaires étrangères Federica Mogherini avait en outre appelé la semaine précédente à éviter toutes «les provocations» dans la région.
Le ministre britannique des Affaires étrangères, Jeremy Hunt, a pour sa part emboîté le pas pas de son allié américain, déclarant : «Notre propre évaluation nous amène à conclure que la responsabilité des attaques incombe presque certainement à l'Iran.»