Les Suisses ont approuvé le 19 mai par référendum une loi durcissant les conditions d'acquisition de certaines armes pour mettre la confédération en conformité avec des mesures antiterroristes de l'Union européenne (UE).
Près de deux tiers des électeurs de la Confédération (63,7%) ont finalement approuvé la réforme (contre 36,3% en faveur du non), pour une participation de 43,34%, selon les chiffres définitifs donnés par l'agence de presse Keystone-ATS. Sur les 26 cantons suisses, un seul, le canton italophone du Tessin (sud-est), a rejeté le texte à 54,5%.
Menace d'exclusion des accords européens de Schengen et de Dublin
Avant le vote, le gouvernement suisse avait averti les électeurs qu'un rejet de cette nouvelle législation pourrait aboutir à une exclusion de la Confédération des accords européens de Schengen et de Dublin auxquels elle est associée tout en n'étant pas membre de l'UE. L'espace Schengen est une zone de libre circulation, où les contrôles aux frontières sont abolis en temps normal. Elle est actuellement composée de 26 pays, dont 22 membres de l'UE.
Une telle exclusion aurait eu des conséquences dans les domaines de la sécurité et de l'asile, mais aussi en matière de tourisme, et aurait coûté «plusieurs milliards de francs suisses par an» selon les autorités fédérales.
«Dommage que la population ait suivi l'argument de la peur avec Schengen. C'est un peu malheureux, mais nous acceptons le résultat», a réagi l'avocate et militaire Olivia de Weck, vice-présidente de ProTell, le lobby pro-armes mobilisé contre la nouvelle législation. «C'est la démocratie qui prime», a reconnu l'avocate. «Nous savions que ça allait être difficile».
«Aujourd'hui, je suis triste car nos libertés ont reculé», a de son côté affirmé le conseiller national (député) Jean-Luc Addor de l'Union démocratique du centre (UDC), parti de droite nationaliste qui recueille le plus de suffrages dans le pays ,et qui était le seul à soutenir les opposants à la nouvelle loi.
Estimant que le texte ne permet pas de lutter contre la menace terroriste, l'élu qui est par ailleurs le président de ProTell, a jugé qu'il avait pour seul effet de «faire reculer les libertés et avancer l'Etat policier».
l'attachement traditionnel des Suisses aux armes ne sera pas touché
Les partisans de la loi ont exprimé leur «soulagement» au vu des premiers résultats. «C'est un bon signal pour la sécurité de la Suisse», a ainsi salué Pascal Lüthi, commandant de la police de Neuchâtel, qui s'est félicité de pouvoir poursuivre les échanges d'informations avec les pays voisins au sein du système Schengen. «Un refus aurait changé fondamentalement la donne», a-t-il jugé, estimant que «l'attachement traditionnel des Suisses aux armes ne sera pas touché».
Pour Olivier Français, élu du Parti libéral-radical (PLR) au Conseil des Etats (chambre haute du Parlement suisse) et membre du comité interpartis en faveur de la réforme de la loi sur les armes, c'est une victoire de «l'argument sécuritaire, avec un meilleur suivi du propriétaire de l'arme et des munitions».
Les Suisses peuvent toujours garder leur fusil après leur service militaire
Les armes sont très répandues en Suisse, même si en l'absence de registre fédéral, il est difficile de connaître leur nombre exact. Selon le centre de recherches genevois Small Arms Survey, en 2017 plus de 2,3 millions d'armes étaient aux mains de civils en Suisse, soit près de trois habitants sur 10, ce qui classe le pays au 16e rang mondial pour le nombre d'armes par habitant.
La nouvelle législation ne prévoit pas de registre central, mais impose le marquage de tous les éléments essentiels d'une arme. Elle classe les armes semi-automatiques munies d'un chargeur à grande capacité dans la catégorie des armes dites «interdites», mais collectionneurs et tireurs sportifs pourront encore les acquérir en demandant une «autorisation exceptionnelle».
Les tireurs devront démontrer après cinq ans puis dix ans qu'ils continuent à pratiquer régulièrement. En Suisse, pays où les fusillades sont très rares, l'attachement pour les armes est ancré dans la tradition d'une armée de miliciens gardant leur fusil chez eux.
Fête fédérale de tir, compétitions populaires... les occasions sont nombreuses pour s'exercer et l'intérêt pour les calibres de toutes sortes a connu un vrai regain ces dernières années. Avec la nouvelle loi, le fusil de l'armée ne sera pas classé dans la catégorie des calibres dits «interdits» si son propriétaire le conserve au terme de son service militaire. Il le sera en revanche désormais s'il est transmis à un héritier ou vendu.
Lire aussi : Suisse : un ex-militaire condamné pour s'être engagé contre Daesh