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L'Irak propose de juger les djihadistes étrangers en échange de deux milliards de dollars

L'Irak a proposé de réceptionner les djihadistes étrangers détenus en Syrie, qui ne peuvent y être jugés, et organiser leur procès moyennant finances, alors que les pays occidentaux rechignent à les rapatrier.

L'Irak a proposé de juger le millier de djihadistes étrangers retenus en Syrie contre la somme rondelette de deux milliards de dollars, une solution qui permettrait à leurs pays d'origine de résoudre l'épineuse question des retours mais qui soulève l'inquiétude des défenseurs des «droits de l'homme». 

Quelques pays semblent déjà avoir fait le choix de s'en remettre à la justice irakienne. Cette dernière s'estime compétente sur l'ensemble des crimes commis sous le califat autoproclamé de l'Etat islamique, un temps à cheval sur un tiers de l'Irak et de grands pans de la Syrie voisine.

Bagdad s'apprête ainsi à juger prochainement 12 Français capturés en Syrie avant d'être transférés en Irak. Ils encourent la peine de mort, mais les trois Français déjà jugés à Bagdad ont été condamnés à la prison à perpétuité, qui équivaut en Irak à vingt ans de prison ferme.

La détention de ces étrangers a un coût, font aujourd'hui valoir les autorités irakiennes, dont les prisons sont déjà peuplées de milliers d'Irakiens arrêtés au cours de la campagne contre l'EI et de plusieurs centaines d'étrangers, pour beaucoup condamnés à mort ou à perpétuité.

Guantanamo bis ?

Bagdad propose donc, selon un responsable gouvernemental qui l'a confié à l'AFP sous couvert d'anonymat, de réceptionner les djihadistes étrangers actuellement en Syrie «en échange de deux milliards de dollars». Une fois jugés, Bagdad se réserve le droit de réclamer «plus d'argent pour couvrir les frais engendrés par leur détention», ajoute-t-il.

«Les coûts opérationnels» avoisinent les deux milliards de dollars, si l'on se base sur le précédent de la prison américaine de Guantanamo, explique à l'AFP un autre responsable, également sous le couvert de l'anonymat.

Les pays d'origine de ces djihadistes présumés «ont un problème, nous avons une solution», ajoute-t-il, alors que de très rares pays ont rapatrié des djihadistes présumés pour les juger tant la question de leur retour est sensible pour les opinions publiques. 

Paris, par exemple, n'a pas jusqu'ici mis en œuvre le plan de rapatriement des djihadistes français de Syrie et de leurs familles, révélé par la presse et que le gouvernement a présenté comme une «hypothèse» de travail.

Selon l'un des responsables gouvernementaux qui a donné à l'AFP des détails sur la proposition de Bagdad à condition de protéger son anonymat, «52 pays» en tout sont concernés. Il était selon lui plus simple de s'adresser à la coalition plutôt qu'à chacune des capitales. 

La coalition n'a, elle, pas répondu aux sollicitations de l'AFP.

De ces négociations pourrait naître un «tribunal spécial», ajoute l'un des responsables, alors que les Kurdes syriens ont déjà appelé à créer une cour internationale spéciale et que l'ONU enquête sur les atrocités commises par l'EI, possiblement un «génocide», crime le plus grave du droit international.

Les procès en Irak au risque de la peine de mort et de tortures

Cette option se heurte toutefois à la question de la peine de mort, refusée par les pays de l'Union européenne, dont des dizaines de ressortissants sont actuellement détenus par les Kurdes de Syrie.

Au-delà de la sévérité des verdicts, des procès en Irak ne donnent «aucune garantie pour des procès équitables» et présentent «de vrais risques de torture», affirme Belkis Wille, de l'ONG Human Rights Watch (HRW).

Si les pays d'origine décident toutefois de s'en remettre aux tribunaux à Bagdad, «ils devraient beaucoup plus s'impliquer pour faire progresser le système judiciaire irakien», plaide cette militante auprès de l'AFP. Mieux, dit-elle encore, «les pays qui ont un système judiciaire et des techniques d'investigation efficaces devraient rapatrier leurs ressortissants et les interroger».

L'Allemagne, par exemple, a ouvert le 9 avril le premier procès pour «crime de guerre» et «meurtre» d'une de ses ressortissantes ayant rejoint l'EI en Irak, pour avoir laissé mourir de soif une fillette yazidie, selon Belkis Wille.

«C'est un exemple parfait de la façon dont il faut et dont on peut traiter ceux qui ont été impliqués dans de graves crimes», assure-t-elle.

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