«Quelqu'un de très chétif […] de très affaibli physiquement parlant, comme s'il souffrait de malnutrition, très maigre et très hagard». C'est ainsi que l'avocate de Ayoub El Khazzani, Sophie David, a décrit son client, après s'être entretenu avec lui depuis le commissariat d'Arras (Pas-de-Calais). Pour l'avocate, ce serait donc la faim, qui a motivé le geste du marocain de 26 ans, et non une revendication terroriste.
D'après la magistrate, l'agresseur – qui était lourdement armé d'une kalachnikov avec neuf chargeurs, d'un pistolet Luger et d'un cutter – s'est montré «surpris» de voir que son cas défrayait la chronique. «Il est médusé par le caractère terroriste qui est attribué à son action», précise l'avocate, ajoutant que le prévenu ne lui a «pas paru du tout dangereux, pas vindicatif, pas revendicatif». L'homme, qui a été identifié grâce à ses empreintes digitales, faisait pourtant l'objet d'une fiche de renseignement émise par les autorités françaises et espagnoles et pointant ses liens avec un «mouvement radical islamiste».
Malgré tout, l'auteur de l'attaque manquée persiste à clamer que son acte ne consistait qu'en une tentative de rançonner les passagers, expliquant qu'il avait faim. L'homme affirme également avoir trouvé les armes et les munitions dont il disposait dans un parc, aux alentours de la Gare du Midi de Bruxelles, où il a l'habitude de dormir «avec d'autres SDF» d'après son avocate. Une trouvaille que le marocain qualifie de «providentielle». Et la magistrate de compléter l'histoire : «Quelques jours plus tard, il a pensé monter dans ce train dont d'autres SDF lui avaient dit qu'il était principalement occupé par des gens qui avaient de l'argent sur ce trajet Amsterdam-Paris et il a pensé, pour pouvoir se nourrir, à faire un braquage».
D'après l'avocate, l'homme nie avoir été à l'origine de coups de feu, avant d'être plaqué au sol par des passagers. Il précise que «la kalachnikov n'a pas fonctionné et qu'il a été maîtrise immédiatement sans qu'un coup de feu n'ait été tiré». Pour le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, néanmoins, l'homme armé aurait tiré «plusieurs coups de feu» avant d'être mis hors d'état de nuire. Selon la magistrate, le marocain serait «tombé des nues» lorsqu'il lui a été précisé qu'il y avait deux blessés graves et un blessé léger.
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L'homme a été finalement maîtrisé par l'intervention de cinq passagers : trois soldats américains, un citoyen britannique et un Français, après que plusieurs personnes eurent été blessées. Pour l'un des soldats américains, qui était récemment rentré d'une mission en Afghanistan, la thèse du braquage n'est pas crédible. «On n'a pas besoin de neuf chargeurs pour braquer un train», affirme Alek Skarlatos. «L'homme avait beaucoup de munitions, ses intentions semblaient claires».
Deux enquêtes ont été lancées après l'incident : par les parquets antiterroristes parisien et bruxellois, les deux privilégiant la piste terroriste. Observé de près par les services de renseignement de l'espace Schengen, pour son discours radical, justifiant le djihad, Al-Kazzani avait également était arrêté pour possession de drogue et avait fait au moins un séjour en prison. Il se serait aussi rendu en Syrie par la Turquie en 2014, ce que le jeune marocain nie, tout en admettant avoir voyagé à travers «l'Espagne, l'Andorre, la Belgique, l'Allemagne et l'Autriche» et bien sur la France.
Les passagers qui ont empêché l'agresseur de mener à bien son action ont été reçu par François Hollande, lundi 24 août. Les citoyens américains et le Britannique ont été décoré de la Légion d'Honneur, en reconnaissance de leur bravoure. Le citoyen français, anonyme, doit recevoir une décoration à une date ultérieure.