Les rues des principales villes d’Haïti sont investies depuis le 7 février par d'imposantes manifestations qui contestent le pouvoir en place, dénonçant la corruption et la pauvreté. Au moins sept personnes seraient décédées, selon un décompte de l'AFP.
C'est la publication d’un rapport de la Cour des comptes, fin janvier, qui a déclenché la colère des Haïtiens : le président, une quinzaine d’anciens ministres et de hauts fonctionnaires y sont épinglés dans plusieurs affaires de détournement de près de deux milliards de dollars du fonds Petrocaribe, un programme d'aide offert à Haïti par le Venezuela depuis 2008, à l'initiative du président d'alors, Hugo Chavez.
«Où est l’argent de PetroCaribe ?»
Des révélations qui ont renforcé la colère contre le chef de l'Etat, Jovenel Moïse, alimentée par une situation économique désastreuse caractérisée par l’inflation et la dévaluation de la monnaie nationale, la gourde, face au dollar américain. Dans des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, une foule de manifestants scande «Où est l’argent de PetroCaribe ?», un fonds censé financer des hôpitaux, des écoles, des routes et d’autres projets sociaux. Avec 60% de la population vivant sous le seuil de pauvreté, Haïti est le pays le plus pauvre du continent américain et figure parmi les pays les plus pauvres du monde. Ces manifestants considèrent également que l'ancien président haïtien, Michel Martelly, et son poulain, l'actuel chef de l'Etat Jovenel Moïse, ont été placés au pouvoir par Washington. Déjà en 2011, Hugo Chavez dénonçait avec force l'ingérence des Etats-Unis en Haïti.
Des manifestants crient «Vive Poutine» et brûlent un drapeau américain
Dans ce contexte, un groupe de manifestants a brûlé le 15 février un drapeau américain dans les rues de Port-au-Prince, la capitale haïtienne, demandant à la Russie de l'aider pour résoudre cette crise qui paralyse le pays depuis plus d'une semaine.
Après avoir brûlé le drapeau, des jeunes hommes ont scandé «A bas les Américains, Vive Poutine», a constaté une journaliste de l'AFP.
«Nous condamnons l'acte malhonnête du citoyen qui a souillé le drapeau du pays ami que sont les Etats-Unis», a de son côté réagi le Premier ministre haïtien, Jean-Henry Céant, dans une allocution télévisée.
On demande à la Russie, au Venezuela, à la grande Chine d'avoir un œil sur la misère que l'on vit ici
Un avis que ne partagent pas certains manifestants. «On veut dire qu'on divorce complètement des Américains : on a pris trop d'occupation aux mains des Etats-Unis, on n'en peut plus», a par exemple expliqué à l'AFP Bronson, un manifestant du petit groupe ayant incendié le drapeau.
«On demande à la Russie, au Venezuela, à la grande Chine d'avoir un œil sur la misère que l'on vit ici», a-t-il ajouté.
Jovenel Moïse, qui s'est exprimé pour la première fois le 14 février au soir après une semaine de silence, a écarté l'idée de tout départ.
Il faut retirer tous les privilèges non nécessaires aux hauts fonctionnaires de l'Etat comme les frais d'essence, de téléphone, les voyages inutiles à l'étranger et les quantités de consultants
Face à la grogne, le Premier ministre a annoncé le 16 février des mesures économiques d'urgence, comme la rigueur pour les administrations, la lutte contre la contrebande et la corruption. «Il faut retirer tous les privilèges non nécessaires aux hauts fonctionnaires de l'Etat comme les frais d'essence, de téléphone, les voyages inutiles à l'étranger et les quantités de consultants», a-t-il notamment déclaré. Des rencontres avec le secteur privé sont annoncées pour envisager une hausse du salaire minimum. Washington a annoncé le 14 février le rappel de ses diplomates non essentiels et de leurs familles basés en Haïti et a exhorté les Américains à ne pas s'y rendre. Le Canada a rapatrié une centaine ses ressortissants en voyage à Haïti.
Meriem Laribi
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