Spécialisée dans l'analyse de données sur les violences politiques à travers le monde, l'ONG Armed Conflict Location and Event Data Project (Acled) a publié sur son site, le 11 décembre 2018, un rapport sur la guerre au Yémen. Entre autres informations, le document évoque, pour la période du mois de janvier 2016 au mois de novembre 2018, un bilan de 60 223 morts, précisant que près de la moitié de ces décès auraient eu lieu en 2018.
Le chiffre contraste significativement avec celui des plus de «10 000 morts» régulièrement repris, jusqu'à ce jour, dans le paysage médiatique. «La guerre au Yémen a fait au moins 10 000 morts», écrit par exemple l'AFP ce même 17 décembre 2018. Problème de cette estimation très médiatisée ? Elle provient en fait d'un bilan de l'ONU datant de début 2017, faute de données plus récentes de l'organisme international.
«On cite souvent le chiffre de 10 000 morts. Il provient d’un officiel de l’ONU qui évoquait les seules victimes civiles, au début de l’année 2017. Un chiffre qui n’a pas bougé depuis lors», estimait pour sa part le journaliste Patrick Cockburn, le 26 octobre 2018, dans les colonnes du quotidien britannique The Independent. De rares estimations indépendantes existaient cependant, comme le chiffre de 50 000 morts avancé en août 2018 par le Washington Post.
Andrea Carboni, l'un des chercheurs qui a travaillé sur ce rapport, a ainsi expliqué à RT que la crise au Yémen avait été largement sous-estimée, dénonçant une «attitude paresseuse» du monde médiatique qui, en relayant le seul chiffre de l'ONU «minimise considérablement la dévastation».
Dans un tweet publié ce 11 décembre, le chercheur précise que le mois de novembre de l'année 2018 a été «le mois le plus violent depuis que l'Acled a commencé à suivre la violence au Yémen, avec 3 058 décès signalés».
L'ONG, qui base son travail sur l'analyse et le recoupement de centaines de sources locales, précise que ses estimations incluent uniquement les décès «directement causés par la violence». Et de préciser : «Des estimations complémentaires produites par des organisations comme Save the Children indiquent que des dizaines de milliers de personnes supplémentaires pourraient être mortes d'autres causes liées aux conflits, comme la famine et la maladie.»
Entre gouvernement et rebelles : vers des pourparlers de paix ?
Depuis 2015, le Yémen est le théâtre d'une guerre opposant les rebelles chiites houthis, qui contrôlent la capitale yéménite Sanaa et le port de Hodeida, à une coalition arabe sous commandement saoudien qui défend le gouvernement réfugié à Aden et qui mène régulièrement des raids aériens sur le Yémen.
Au mois d'août, au moins 66 enfants perdaient la vie dans des frappes de la coalition saoudienne dans la province de Saada, au nord du pays.
Pour la première fois depuis 2016, de fragiles pourparlers de paix inter-yéménites se sont ouverts le 6 décembre en Suède, juste après le redoublement des violences sur le port d'Hodeida, par lequel transitent les échanges commerciaux.