D'un côté, le Président sud-soudanais Salva Kiir, de l'autre, son ancien Vice-président et leader de la rébellion Riek Machar. Les deux hommes, qui s'affrontent depuis 19 mois dans une guerre civile sont parvenus à signer d'un accord de paix, depuis la capitale éthiopienne Addis-Abeba. En cas d'échec, ils se seraient vu imposer des sanctions par la communauté internationale, qui avait fixé le 17 août 2015 comme date limite à la conclusion d'un accord.
Un dénouement qui semblait peu probable, au regard du pessimisme des belligérants. Le Président Kiir avait annoncé en amont qu'il ne signerait pas un accord de paix avant que toutes les factions de l'opposition n'acceptent de le parapher. Côté rebelle, l'ancien Vice-président Machar n'est plus en mesure de se prononcer au nom de l'ensemble des forces d'oppositions, de plus en plus d'entre-elles échappant désormais à son contrôle. Une situation qui ne poussait pas à l'optimisme et qui avait incité Kiir à refuser dans un premier temps de se rendre à Addis-Abeba, avant de changer d'avis, «contraint» par les menaces de sanctions.
Les négociations se déroulaient sous l’œil de quatre chefs d’États africains : le dirigeant éthiopien Halemariam Desalegn, l'Ougandais Yoweri Museveni, le Soudanais Omar el-Béchir et le Kényan Uhuru Kenyatta. Ce dernier voulait se montrer plus optimiste, indiquant que des discussions «étaient en cours pour parvenir à un accord». Une bonne volonté de façade qui contrastait avec les propos du Président Kiir qui affirmait avant son départ pour l’Éthiopie qu'«on ne peut pas conclure une paix qui ne sera pas permanente». L'homme fort du Sud-Soudan s'interrogeait : «si on signe aujourd'hui et que demain on repart à la guerre, qu'aura-t-on obtenu ?». «Même si je ne suis pas content, je dois me montrer, parce que si je ne vais pas [à Addis-Abeba], les forces négatives diront que je suis contre la paix», concluait-il.
Moins loquace, son ancien Vice-président et opposant dans la guerre civil, Riek Machar, ne donnait pas plus de signes encourageants. La rébellion, qu'il mène depuis le début de la guerre civile en 2013, échappe de plus en plus à son contrôle. Affiliés à des chefs de guerres locaux et des milices tribales, les rebelles ont connus plusieurs défections. Ces derniers jours, deux chefs rebelles avaient annoncé faire dissidence à l'opposition, sans pour autant se rallier aux forces gouvernementales du Président Kiir. Ces deux factions avaient en outre annoncé qu'elles rejetaient par avance tout accord paraphé par les deux parties négociant depuis l’Éthiopie.
Au Soudan du Sud, un conflit de 19 mois
Depuis décembre 2013, le Soudan du Sud est en proie à un conflit meurtrier, exacerbé par des confrontations ethniques, qui a déjà fait des dizaines de milliers de morts et des atrocités à l'encontre des civils.
Le 15 décembre 2013, le Président Salva Kiir annonce avoir déjoué une tentative de coup d’État. Pour l'homme fort du pays, la responsabilité du putsch avorté incombe à son ancien Vice-président, Riek Machar, qu'il avait limogé au mois de juillet de la même année. Ce dernier, qui avait déjà dénoncé l'attitude «dictatoriale» du Président, lance un appel à l'armée, le 18 décembre. Il incite les militaires à renverser Kiir, affirmant que le Président cherche à «allumer une guerre ethnique». C'est le début d'une guerre civile qui va s'étendre à l'ensemble du pays et parfois même impliquer des forces étrangères. Ainsi, en 2014, Djouba (la capitale du Sud-Soudan) et Kampala (celle de l'Ouganda) reconnaissent bilatéralement que des soldats ougandais se battent au côté des forces gouvernementales du Président Kiir.
Depuis son embrasement, la guerre civile a été marquée par de graves violations des Droits de l'Homme, commises par les deux camps et souvent assimilées à des crimes de guerre, ont rapporté diverses organisations. Parmi ces violations, le massacre de 350 civils à Bentiu et Bor, les 15 et 17 avril 2014, va pousser la mission de l'ONU sur place, la MINUSS, à recentrer son activité sur la protection des civils. Quelques jours plus tard, le Secrétaire d’État américain John Kerry met en garde les belligérants contre des risques de «génocides». Le 20 mars 2015, l'UNICEF affirme que plus de 12 000 enfants-soldats ont été enrôlés depuis le début du conflit. Le 30 juin de la même année, l'ONU rapporte le viol et le meurtre de femmes et de jeunes filles, dans un rapport se basant sur le témoignage de 115 victimes.
Mises en place sous la forte pression de la communauté internationale et les menaces de nouvelles sanctions, les négociations de paix ont été reprises dimanche 16 août. Officiellement ouvertes une première fois en janvier 2014 et soutenue par l'Union Africaine (UA), elles n'avaient jusqu'ici débouché que sur une série de cessez-le-feu qui n'ont jamais été respectés. Participent également au processus de négociation les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Norvège, l'Union Européenne (UE) et l'ONU.
D'après l'ONU, plus de deux millions d'individus ont quitté leur foyer et certaines zones connaissent d'importants risques de famine. Une situation dont les répercussions sont ressenties jusqu'en Europe. Les migrants sud-soudanais représentent un volume important des réfugiés qui tentent de rejoindre l'Espace Schengen. Si les Syriens sont toujours les plus nombreux à frapper aux portes de l'Europe, les Sud-Soudanais les suivent de près, ainsi que les Afghans, les Libyens et les Irakiens.