En costume bleu marine, il semble presque déplacé devant sa tente bleue et son attirail composé de réchaud et de sac de couchage. Car David Hyde n'est pas campeur mais stagiaire précaire au siège de l'ONU situé à Genève.
A son actif, un joli parcours de diplômé en relations internationales et en sciences politiques que le stage dans la prestgieuse organisation aurait conclu avec brio.
Seulement, dés le début les conditions posées par l'organisation internationale était claires: aucune rémunération, aucune aide, ni au transport, ni au logement ou aux soins médicaux.
Les loyers de la ville de Genève se sont vite révélés inabordables pour le jeune étudiant qui a dû alors se résoudre à dormir sous une tente face au lac de Genève.
Si son témoignage a provoqué un élan de générosité, David Hyde s'est résigné. Epuisé, il vient de donner sa démission.
La situation était intenable et injuste pour le jeune homme qui estime que seuls les plus fortunés peuvent s'assurer un stage dans des conditions dignes. A cela s'ajoute les statuts de l'ONU qui empêchent tout emploi durant les six mois qui suivent un stage. L'ONU se défend en invoquant une résolution qui prévoit la non-rémunération des stagiaires.
Même la Geneva Interns Association (GIA) a dénoncé l'incohérence de l'ONU qui promeut des valeurs denon-discrimination et de diversité, «mais qui ne les applique pas à son personnel». Selon l'association, 68,5% des stagiaires de l'ONU n'étaient pas rémunérés en 2013.
Un diagnostic que fait également l'association française Génération Précaire qui s'est faite connaître par ses actions contre le recours abusif par certaines entreprises au stagiaire. Ophélie, responsable de l'association explique ainsi à RT France: «Les stagiaires sont devenus pour beaucoup d'organisation ou entreprise une armée de réserve corvéable à merci. Le stage n'est plus désormais un tremplin vers l'emploi et est même parfois un frein puisque les entreprises préfèrent utiliser un stagiaire plutôt que d'embaucher un employé».
Un système également dénoncé par le mouvement «pay your interns», littéralement «payez vos stagiaires» qui entend dénoncer la gratuité des stages. La plate-forme en ligne, pour laquelle «Unpaid is Unfair» (ne pas payer est injuste), dénonce un système d'exploitation.
Ophélie, de Génération Précaire se souvient ainsi que pour sa part, elle a dû s'endetter pour cinq ans afin de pouvoir faire son stage sans rémunération à l'étranger. Un autre membre de l'association, passé également par un stage à l'ONU, a mis sept ans pour rembourser son prêt contracté pour l'occasion. «Le stage est devenu une machine à écraser les pauvres. Les organisations internationales ne font pas mieux que les entreprises. Certaines comme l'Organisation Internationale du Travail conditionnent l'acceptation du candidat à ce qu'il ait les moyens de financer tout son stage par lui-seul, même si concrètement, il va travailler. Ces organisations comptent sur l'aspect prestigieux du stage en leur sein pour ne pas payer les jeunes».
Un investissement d'autant plus illusoire que selon les chiffres de Génération précaire, moins de 10% des stages débouchent sur un emploi.
Quoiqu'il en soit, philosophe, David Hyde a décidé de retourner en Nouvelle-Zélande. Mais avant de partir, il atenu à rappeler que l'ONU contrevient à sa propre déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 dans la façon qu'a l'organisation de traiter ses stagiaires. L'article 23 l'énonce clairement: «Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal».
Un article à méditer sans doute dans le Palais des Nations...