Qui est Friedrich Merz, millionnaire et rival de Merkel pressenti à la tête de la CDU?

Qui est Friedrich Merz, millionnaire et rival de Merkel pressenti à la tête de la CDU?© Arnd Wiegmann Source: Reuters
Angela Merkel et Friedrich Merz en 2002.
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Grand rival d'Angela Merkel dans les années 2000, Friedrich Merz avait fini par quitter la vie politique pour travailler dans la finance. Son retour fulgurant en fait le favori pour prendre la tête de la CDU. Non sans provoquer de vives critiques.

Depuis qu'Angela Merkel a annoncé qu'elle renonçait à briguer sa propre succession à la tête de la CDU, le 29 octobre dernier, rumeurs et pronostics se multiplient outre-Rhin quant à son éventuel successeur. L'élection de décembre prochain devrait faire figure de test d'envergure en vue des élections fédérales de 2021, d'autant que l'effondrement électoral de la CDU et la popularité en berne d'Angela Merkel font espérer à certains qu'une élection sera convoquée avant le terme de ce quatrième mandat.

Pour ces diverses raisons, le poste de président de la CDU, qui demeure malgré tout le premier parti d'Allemagne, est convoité par des personnalités nourrissant plus ou moins ouvertement de grandes ambitions politiques. Outre Annegret Kramp-Karrenbauer, ministre-présidente de la Sarre, surnommée «AKK» et proche de l'aile sociale de la CDU, ou encore l'actuel ministre de la Santé Jens Spahn, le nom de l'un des candidats déclarés à la succession d'Angela Merkel retient tout particulièrement l'attention des médias : celui de Friedrich Merz.

Ce descendant d'une famille huguenote française installée dans le Sauerland, dans l'Ouest de l'Allemagne, s'apprête à fêter ses 63 ans le 11 novembre prochain. «Je ne suis tout de même pas Mathusalem», plaide-t-il avec le sourire, conscient que son profil ne cadre pas avec l'air du temps qui, de l'autre côté du Rhin comme en France, est au rajeunissement. S'il ne peut compter sur son âge, Friedrich Merz possède en revanche un atout de poids : il effectue cet automne l'un des plus notables «comeback» de l'histoire politique allemande et se positionne volontiers en artisan d'un renouvellement «plus qu'indispensable» selon lui – une critique à peine voilée des treize années de règne d'Angela Merkel.

Retour fulgurant après 10 années dans la haute finance

De fait, cet avocat de formation, qui a également siégé au Parlement européen de 1989 à 1992 puis au parlement allemand de 1994 à 2009, s'était mis en retrait de la vie politique, non sans fracas, il y a près de dix ans. En 2002, sa rivale de toujours, Angela Merkel, qui présidait déjà la CDU, l'avait évincé de son poste de président du groupe parlementaire – un tremplin trop précieux vers la Chancellerie. Trois ans plus tard, une fois parvenue au pouvoir, elle avait tout fait pour le maintenir à l'écart. Friedrich Merz avait finalement décidé de quitter la scène politique en 2009.

Pendant une décennie, il s'est frayé un chemin plutôt glorieux dans le monde des affaires, en sa qualité d'avocat. Il est aujourd'hui président du conseil de surveillance de l'aéroport de Cologne-Bonn et siège à la tête de la filière allemande de BlackRock, le plus gros gestionnaire d'actifs au monde. De quoi attester, selon de nombreux titres de presse ultra-rhénans, de sa très bonne connaissance de l'économie. «L'homme le mieux connecté d'Allemagne», comme le surnomme le Frankfurter Allgemeine Zeitung, jouit d'ailleurs d'une image d'expert qui lui garantit une certaine estime au sein de l'opinion allemande. Selon un sondage de l'institut Civey pour le Spiegel, il serait ainsi le favori dans la course à la présidence de la CDU, avec 37% d'opinions favorables, cumulant près de 10 points d'avance sur Annegret Kramp-Karrenbauer.

Pour autant, ses activités dans le privé lui valent de nombreuses critiques, et plus particulièrement ses fonctions au sein de BlackRock. «BlackRock est une entreprise, qui a des intérêts dans presque toutes les grandes entreprises du monde : sur leur la liste de leurs clients, on retrouve les principaux fonds de pension, des fondations, des fonds souverains, ils conseillent même des banques centrales, parmi lesquelles la Banque centrale européenne», écrivait ainsi en 2015 la journaliste Heike Buchter dans un livre qu'elle consacrait à cette société. 

Les questions que soulève la candidature de Friedrich Merz sont d'autant plus sensibles que BlackRock détient de nombreuses parts dans bon nombre de géants économiques allemands, comme Bayer ou Allianz. «S'il a pu ouvrir des portes à BlackRock grâce à ses excellents contacts politiques, ses excellents contacts chez BlackRock vont-ils désormais lui ouvrir les portes de la présidence de la CDU et de la Chancellerie ?», s'interroge ainsi le magazine Tichys Einblick. Dans un pays où le moindre soupçon de conflit d'intérêt suscite de prompts scandales, la personne de Friedrich Merz cristallise déjà de nombreuses oppositions.

Libéral et conservateur en même temps

Les idées que défend Friedrich Merz en matière économique ne sont d'ailleurs pas de nature à rassurer ceux qui s'interrogent sur les motivations de ce retour flamboyant en politique après dix années au service de la finance. Ce libéral convaincu s'était rendu célèbre en lançant, au début des années 2000, que la déclaration d'impôt des Allemands devait tenir «sur un sous-bock». Il assume en outre vouloir «limiter l'Etat providence». Certaines de ses anciennes déclarations refont surface et créent même la polémique : en 2008, juste avant de quitter la scène politique, il avait laissé entendre que 132 euros par mois suffisaient à un chômeur pour vivre. De quoi inquiéter, en particulier l'aile sociale de son propre parti. 

Si le retour foudroyant de Friedrich Merz agite autant la CDU, c'est également parce que la ligne sociétale qu'il promeut rompt avec celle qu'a tenté de défendre Angela Merkel ces dernières années, y compris contre l'avis de ses propres pairs. C'est à lui que l'on doit l'introduction dans le vocabulaire politique du concept de «Leitkultur» (culture dominante du pays d’accueil à laquelle sont appelés à se plier les nouveaux arrivants), terme controversé que de nombreux responsables politiques, de gauche comme de droite, associent à une forme de racisme, dans un pays où la reconnaissance d'une identité allemande est encore perçue comme éminemment problématique. 

Autre sujet de crispation quant à la personne de Friedrich Merz : le flou relatif qui entoure ses positions sur certains sujets, à commencer par la politique internationale. Atlantiste convaincu il y a 10 ans, qui prêchait un axe Berlin-Washington fort contre la «menace sérieuse de la Russie», il semble avoir mis de l'eau dans son vin : «Je me reproche d'avoir ignoré, en 2001, une proposition du président russe visant à créer une zone de libre-échange euro-asiatique», confessait-il en 2014, concédant que la  «sensibilité russe» était mal comprise des Occidentaux. Quant à l'immigration, si d'aucuns lui prêtent des convictions aux antipodes de celles d'Angela Merkel en la matière, il a toujours pris soin de ne jamais critiquer la décision prise par la Chancelière d'accueillir plusieurs millions de réfugiés dans le pays. 

Fin de l'ère Merkel, début d'une recomposition politique ?

Comme on pouvait s'en douter, le retour tonitruant de cette figure politique du passé effraie à gauche –tout en apportant son lot d'espoirs. En effet, si la CDU devait retrouver une ligne libérale assumée en matière économique et durcir le ton sur les questions sociétales sous la présidence de Friedrich Merz, les trois partis d'opposition de gauche (les radicaux de Die Linke, les écologistes et les sociaux-démocrates du SPD) retrouveraient le plein monopole d'un créneau politique sur lequel Angela Merkel avait empiété avec ses compromis, notamment en matière migratoire. Mieux encore : ils hériteraient, avec cet avocat d'affaires dont les honoraires avoisinent les 5000 euros par jour, d'un adversaire idéal incarnant presque jusqu'à la caricature l'archétype du politicien ultralibéral.

A droite, à trois ans des élections fédérales, l'heure est à l'espoir : de nombreux cadres de la CDU veulent croire à un nouvel élan, après une série de performances électorales en demi-teinte depuis plusieurs mois et alors que le discours anti-immigration et anti-européen de l'AfD suscite de plus en plus d'enthousiasme. Mais le pari de Friedrich Merz n'est pas gagné. Si Angela Merkel ne s'est pas exprimée au sujet du retour en force de son ennemi juré, nul n'ignore qu'elle envisage cette candidature avec une grande défiance. «Avec ses positions libérales en matière économique et conservatrices dans le domaine sociétal, Merz est en quelque sorte le contre-modèle clair de Merkel», explique le politologue Oskar Niedermayer dans le Rhein-Neckar Zeitung.

De manière officieuse et discrète, la Chancelière s’attelle à soutenir Annegret Kramp-Karrenbauer, qu'elle a elle-même contribué à faire émerger sur la scène politique nationale et dont les conceptions économiques et sociales se rapprochent des siennes. Mais, face à la popularité robuste de Friedrich Merz, elle sait que l'élection d'«AKK» à la tête de la CDU est très peu probable et qu'il lui faudra opter pour une autre stratégie. Ainsi, celle qui cumule les deux fonctions depuis 2005 a déclaré qu'il ne fallait plus que la direction du parti et la Chancellerie échoient à une seule et même personne. De quoi justifier son retrait de la direction du parti... et couper l'herbe sous le pied de son successeur ?

Pour l'heure, les soutiens de Friedrich Merz restent concentrés sur l'élection de décembre prochain. Les centristes libéraux du FDP, qui ont peu à peu pris leurs distances avec Angela Merkel, pourraient être séduits par le tournant libéral que souhaite amorcer Friedrich Merz. La CSU, alliée bavaroise de la CDU, pourrait être rassurée par le nouveau ton de son parti frère sur les questions migratoires. En d'autres termes, le parti d'Angela Merkel pourrait sortir la tête de l'eau après une phase d'isolement progressif l'ayant contraint, pour conserver le pouvoir, à se résigner à une alliance avec les sociaux-démocrates dont elle ne voulait pas entendre parler initialement. C'est du moins ce à quoi veulent croire les partisans de Friedrich Merz. C'est aussi ce qui explique pourquoi ils ne redoutent aucunement l'émergence d'une opposition interne à leur champion au sommet de l'Etat : ils savent en effet que, dans un tel cas de figure, le nouvel homme providentiel de la droite partirait avec une longueur d'avance sur un éventuel poulain adoubé par une chancelière plus affaiblie que jamais.

Hadrien Galassier

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