C'est l'épilogue de plus de 20 ans de négociations avec pour enjeux pétrole, gaz et caviar : la Russie, l'Iran, le Kazakhstan, l'Azerbaïdjan et le Turkménistan ont signé ce 12 août un accord historique définissant le statut de la mer Caspienne.
Réunis dans le port kazakh d'Aktaou, les cinq pays qui bordent la Caspienne se sont mis d'accord sur le statut de cette étendue d'eau, en plein vide juridique depuis la dissolution de l'Union soviétique, qui englobait alors la totalité de ces Etats sauf l'Iran, avec lequel existait un accord, aujourd'hui caduc.
L'hôte de la cérémonie, le président kazakh Noursoultan Nazarbaïev, a salué un «événement historique». «Nous pouvons dire qu'un consensus sur le statut de la mer a été difficile à atteindre et qu'il a pris du temps, les pourparlers se sont échelonnés sur 20 ans et ont nécessité des efforts importants et conjoints des parties impliquées», a-t-il ajouté.
Le président russe Vladimir Poutine a de son côté évoqué une convention dont la «signification fera date» et plaidé pour une plus grande coopération militaire entre les pays de la mer Caspienne afin d'«assurer la paix» dans la région.
Selon Noursoultan Nazarbaïev, les principaux points du nouvel accord concernent l'autorisation de la pose de pipelines sous-marins pour le transport d'hydrocarbures, des quotas de pêche définis pour chaque pays et l'interdiction de toute présence militaire d'un pays tiers sur la Caspienne.
«La mer Caspienne n'appartient qu'aux pays de la Caspienne», a immédiatement salué le président iranien Hassan Rouhani.
Un accord aux enjeux considérables
Le nouvel accord qui a été signé, précédé par une réunion des chefs de la diplomatie des cinq pays la veille, ne devrait pas mettre fin à toutes les disputes concernant cette mer fermée, la plus grande du monde de ce type. Il devrait néanmoins aider à apaiser les tensions existant de longue date dans la région qui recèle de vastes réserves d'hydrocarbures, estimées à près de 50 milliards de barils de pétrole et près de 300 000 milliards de m3 de gaz naturel.
Selon le Kremlin, l'accord préserve la plus grande partie de la Caspienne en tant que zone commune, mais partage entre les cinq pays les fonds marins et les ressources sous-marines. Selon le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Grigori Karassine, la Caspienne bénéficiera d'un «statut légal spécial» : ni mer, ni lac, qui ont tous deux leur propre législation en droit international.
Le Turkménistan, l'un des pays les plus fermés de la planète, semble être l'un des grands gagnants de ce nouvel accord. Cet Etat d'Asie centrale riche en hydrocarbures devrait en effet pouvoir installer au fond de la Caspienne des pipelines sous-marins pour lui permettre d'exporter son gaz vers les marchés européens via l'Azerbaïdjan.
Ce projet, estimé à cinq milliards de dollars, avait auparavant rencontré l'opposition des autres pays de la région. Il pourrait encore être contesté par Moscou et Téhéran, les anciens maîtres de la Caspienne, pour des raisons environnementales.
Un accord dont toutes les parties sortent gagnantes
La Russie a dû céder sur un certain nombre de sujets, mais selon John Roberts, analyste du cercle de réflexion américain Atlantic Council cité par l'AFP «elle gagne des bons points pour avoir fait sortir une situation de l'impasse». Ce dernier estime aussi qu'elle a renforcé son image de pays producteur d'accords diplomatiques. Mais, l'accord devrait surtout asseoir la prédominance militaire russe dans la région en interdisant à des pays tiers de disposer de bases militaires sur la Caspienne.
L'Iran, pour sa part, pourrait profiter de la clarté apportée par le texte pour lancer des projets communs avec l'Azerbaïdjan. La République islamique a eu recours par le passé à des manœuvres navales pour défendre ses prétentions dans la Caspienne.
Au-delà des considérations économiques et militaires, l'accord donne espoir pour la préservation de la diversité écologique de la région. Les populations de bélugas, dont les œufs sont appréciés dans le monde entier en tant que caviar, pourront désormais se multiplier grâce à un «régime de quotas clair et commun pour les eaux de la Caspienne», selon John Roberts.