L'acteur américain George Clooney a un nouveau projet : enquêter sur l'origine du financement des guerres civiles au Sud-Soudan, au Soudan, en Centrafrique et en République Démocratique du Congo.
Lutter contre la guerre avec l'aide d'entreprises d'armement
Pour ses activités philanthropiques en Afrique, l'acteur-activiste a créé une association, The Sentry (la sentinelle) qui se donne pour mission de «démanteler les financements des conflits africains les plus meurtriers». L'association se propose de tracer les flux d'argent dans les conflits africains et d'identifier les personnes qui profitent de la violence. Elle permettra à des sources anonymes de transmettre des informations sur le blanchiment et les transferts d'argent dans les pays africains en guerre.
Pourtant des voix s'élèvent pour interroger l'étrange financement de l'association créée par George Clooney. Plusieurs points retiennent l'attention des critiques.
D'abord, comment dénoncer sérieusement les profiteurs de guerre quand The Sentry reçoit elle-même des fonds de deux compagnies, Lockheed-Martin et Boeing, qui profitent elles-mêmes grassement des guerres menées en Afrique. En effet, Lockheed Martin, avec un chiffre d'affaire de 45 milliards de dollars, est la première entreprise mondiale du secteur Défense et sécurité. Deuxième sur le podium, Boeing avec un chiffre d'affaires de 32 milliards de dollars.
Plus encore, sur les 100 plus grands fabricants d'armes dans le monde, pas un seul n'est basé en Afrique. 40 sont Américains. Selon un rapport récent du Congrès américain, 79% de tous les transferts d'armes vers les pays pauvres viennent des Etats-Unis.
Pourtant l'acteur philanthrope ne songe pas un instant à dénoncer ces faits mais se contente de pointer la seule responsabilité de la corruption en Afrique.
Autre critique, le grande proximité de The Sentry avec des organismes du pouvoir américain. Ainsi l'association fait partie du «Enough Project», lequel fait lui-même partie du «Center for American Progress», think-tank très proche des milieux démocrates et dont les avis en matière de géopolitique sont très écoutés. Plus encore, l'associé de George Clooney n'est autre que John Prendergast, ancien directeur Afrique au Conseil de sécurité nationale, organisation administrative dépendant directement du président des Etats-Unis et qui joue un rôle non négligeable sur les inflexions de la politique étrangère.
Autre sujet d'étonnement, George Clooney se focalise seulement sur la République démocratique du Congo, la République centrafricaine, le Soudan et le Sud-Soudan, comme si les autres conflits ne méritaient pas l'attention du monde. Et pour chacun, la solution de l'acteur et de son association est simple : il faut une plus grande implication des Etats-Unis en Afrique.
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Cela rejoint exactement l'ambition affichée par Washington, longtemps resté en marge de l'Afrique, alors que son grand rival chinois mène depuis plusieurs années une vive offensive commerciale.
La Hollywood diplomacy
Ce n'est pas la première fois que George Clooney se trouve ainsi à la croisée de l'humanitaire et de la diplomatie la plus froide.
Ainsi en 2012, on avait pu le voir manifester devant l'ambassade du Soudan à Washington pour attirer l'attention sur la crise humanitaire que traversait le Sud du pays. Son arrestation, menottes aux poignets, fera le tour du monde et assoiera sa réputation d'homme engagé. Reçu par la suite par Barack Obama himself, l'acteur avait alors rapporté que le président américain allait faire pression sur le président chinois Hu Jintao pour éviter un désastre humanitaire au Soudan. Selon l'acteur, la Chine, principal partenaire de Khartoum, négligeait les aspects moraux du conflit entre le Soudan et le Sud-Soudan pour ne se focaliser que sur son approvisionnement pétrolier.
Autre exemple : la campagne internationale lancée contre le chef de guerre ougandais Joseph Kony avait reçu en 2012 le soutien de George Clooney, mais aussi de Ben Affleck, Rihanna et Angelina Jolie. Cependant, de nombreux spécialistes de la région avaient à l'époque dénoncé le peu de sérieux de cette campagne hollywoodienne. Selon eux, cette dernière avait «manipulé les faits à des fins stratégiques», éludant les réels enjeux économiques, sociétaux et politiques du conflit.