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Merkel sauve son gouvernement avec un accord fragile sur les migrants... mais à quel prix ?

Angela Merkel s'est offert un peu de répit en passant avec son ministre de l'Intérieur un accord pour interdire aux migrants enregistrés dans un autre Etat européen de rester en Allemagne. Mais elle devra composer avec ses partenaires européens.

Dans la soirée du 2 juillet, la chancelière allemande Angela Merkel s'est réjouie d'avoir conclu après de rudes tractations, un «bon compromis» avec son allié de la CSU sur la question migratoire. Un accord essentiel à la sauvegarde de son gouvernement, constitué d'une large coalition CDU-CSU et SPD, que le ministre de l'Intérieur Horst Seehofer (CSU) avait menacé de faire imploser en démissionnant s'il n'était pas entendu sur ce dossier.

Cet accord obtenu de haute lutte prévoit l'instauration de «centres de transit» à la frontière entre l'Allemagne et l'Autriche, dans lesquels les migrants illégaux auront l'obligation de rester. Les demandeurs d'asile qui arrivent dans le pays mais sont déjà enregistrés dans un autre Etat européen – une grande majorité d'entre eux – devront y attendre leur expulsion vers leur pays d'entrée dans l'UE. Un renvoi qui ne pourra toutefois pas être organisé sans accords administratifs conclus avec les pays concernés, et qui ne saurait être pratiqué de manière unilatérale par l'Allemagne.

«Nous avons un accord clair sur la façon d'empêcher à l'avenir l'immigration illégale», s'est de son côté félicité Horst Seehofer, qui a alors renoncé à démissionner. Ce compromis, qui entérine la fin définitive de la politique de «portes ouvertes» défendue par la chancelière allemande depuis 2015, soulève déjà de vives critiques, et ce au sein même de la coalition gouvernementale. Les sociaux démocrates du SPD, troisième partenaire de la coalition d'Angela Merkel, laissent en effet planer le doute quant à leur décision sur les solutions proposées, et donneront leur verdict le 3 juillet à l'issue d'une réunion entre les trois partis.

L'Autriche prête à «protéger» ses frontières

Et quand bien même le SPD validerait cet accord, le plus dur resterait encore à faire pour Angela Merkel, à savoir convaincre ses partenaires européens d'accueillir les migrants dont l'Allemagne ne veut plus sur son territoire. Or, cette question se révèle particulièrement épineuse : le 3 juillet, dans la foulée des restrictions annoncées par Berlin, le gouvernement autrichien a fait savoir qu'il était prêt à prendre des mesures pour protéger ses frontières.

«Nous serons obligés de prendre des mesures pour éviter des désavantages pour l'Autriche et sa population», a-t-il ainsi expliqué dans un communiqué, précisant qu'il souhaitait renforcer la protection de ses frontières sud, avec l'Italie et la Slovénie. Et c'est bien là une des conséquences de cet accord : la possibilité d'un effet domino en Europe, où chaque pays, à l'instar de l'Autriche, pourrait être tenté de refouler à ses frontières les demandeurs d'asile.

Le défi de la chancelière allemande sera donc d'appliquer les décisions prises lors du conseil européen des 28 et 29 juin à Bruxelles, après dix heures d'intense délibération. A cette occasion, les 28 étaient parvenus à se mettre d'accord pour que les Etats membres, sur «une base volontaire», mettent en place des «centres contrôlés» pour les migrants secourus dans les eaux européennes. Dans ces centres, une distinction serait «rapidement» établie entre migrants irréguliers à expulser et demandeurs d'asile légitimes, qui pourraient alors être répartis dans les différents pays de l'UE, là encore «sur une base volontaire».

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