«Egypte : une répression made in France» : un rapport de 64 pages rédigé par quatre ONG et présenté à la presse le 2 juillet, accuse Paris de prêter son concours, par la vente d'armes, au gouvernement égyptien d'Abdel Fattah al-Sissi. Celui-ci est accusé par les organisations de museler toute dissidence et de neutraliser ses opposants, dans le sang si besoin.
Comme le détaille le texte rédigé par la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), le Cairo Institute for Human rights studies (CIHRS), la Ligue des droits de l'homme (LDH) et l'Observatoire des armements (OBSARM), l'Hexagone livre des armes de manière exponentielle au Caire.
Parmi l'arsenal acquis par Le Caire, on retrouve entre autres des navires de guerre Mistral (DCNS), des frégates Fremm (DCNS), des Corvettes Gowind, des avions de combat Rafale, des blindés, mais également des techniques de contrôle et des systèmes de surveillance. Les ventes ont bondi de 39,6 millions à 1,3 milliard d'euros depuis l'accession au pouvoir en 2013 du président égyptien, réélu le 28 mars 2018.
Les quatre ONG accusent Paris de donner «à l'Egypte les moyens de mettre en œuvre une véritable architecture de surveillance et de contrôle au service d'une répression sans précédent».
«Mises bout à bout, ces exportations dessinent les pièces complémentaires d’un puzzle qui constitue aujourd'hui le socle d’un projet de surveillance généralisée et de contrôle des foules mis en place par la dictature des services de sécurité égyptiens», est-il écrit. Le document s'appuie sur des rapports parlementaires, des rapports d’ONG, des registres des Nations unies, des enquêtes, des sources industrielles ou encore des archives audiovisuelles.
«Depuis le coup d’état militaire de juillet 2013 orchestré par le général al-Sissi, l'Egypte connaît un retour en force des services de sécurité et une accentuation féroce de la répression», expliquent les auteurs du rapport. Ils dénoncent l’incarcération d’au moins 60 000 prisonniers politiques depuis 2013, ainsi que 2 811 cas de disparitions forcées entre juillet 2013 et juin 2016, ainsi que des exécutions extra-judiciaires.
La France, premier exportateur d'armes lourdes vers l'Egypte
Malgré la répression dont est accusé Le Caire, les autorités françaises ont déclaré en octobre qu’elles n’avaient pas «de leçons à donner» au gouvernement égyptien en matière de droits humains.
«L’arrivée d’Abdel Fattah Al Sissi au pouvoir a notamment été l’occasion pour la France de nouer un partenariat privilégié avec les services de renseignement égyptiens», estiment les auteurs, qui rapportent que les ventes ont profité à huit entreprises hexagonales.
Les auteurs affirment en outre qu’un logiciel de surveillance hautement intrusif nommé Cerebro, développé par une société française et destiné à l’origine aux Emirats arabes unis, a été en réalité vendu à l’Egypte. Sur le plan de la surveillance, le rapport pointe une dépense comprise entre 15 et 20 millions d’euros des renseignements militaires égyptiens pour l'acquisition des logiciels de surveillance Cortex de l’entreprise Nunéris.
Embargo du Parlement européen
Pourtant en 2015, le Parlement européen avait adopté un embargo sur l'exportation d'équipements de sécurité et d’aide militaire à l'Egypte. Le rapport accuse Paris de ne pas avoir respecté les engagements européens d'interdiction de vente d'équipements pouvant être utilisés à des fins de répression interne, au moins à trois reprises.
Les ONG recommandent aux autorités françaises de suspendre leurs exportations d’armes et de technologies de surveillance à l'Egypte si les violations des droits humains persistent dans le pays, et de contrôler leurs exportations de matériel militaire. Elles demandent à Paris de faire la lumière sur la légalité des ventes passées, de respecter les engagements européens et internationaux tout en assurant la transparence concernant les commandes et les livraisons.
Lire aussi : Présidentielle en Egypte : Abdel Fattah al-Sissi, le funambule du Moyen-Orient