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Carnet de bord d'un journaliste au Proche-Orient : de Jérusalem à Gaza

Dans un contexte de tensions au Proche-Orient à la veille du déménagement de l'ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem, le journaliste de RT France Damien Charton s'est rendu sur place. Jour après jour, il livre son ressenti.

Jérusalem, mercredi 9 mai

Le cameraman de notre correspondante me dépose un casque et un gilet pare-balles devant mon hôtel. Il a les yeux rougis. Il revient du plateau du Golan, il a filmé toute la journée. Notre producteur m'appelle de Gaza pour finaliser mon passage de la frontière le lendemain. Avec le cameraman, ils se «connaissent» bien.

«Je n'aurai jamais la chance de le rencontrer, c'est triste. Je ne peux pas aller a Gaza ni lui venir en Israël. Pourtant nous travaillons ensemble, nous nous apprécions», me dit le cameraman. «Si, peut-être, si l'on se retrouve en France ou aux Etats-Unis», lance-t-il avant d'aller se reposer. «Bonne chance là-bas, l'ami !», conclut-il.

Jerusalem la belle croyante ; les chats du rabbin rasent les murs, côtoyant pèlerins et militaires en armes.

Jeudi 10 mai, à la frontière

Je fonce au centre de presse du gouvernement israélien afin d'obtenir ma carte de presse temporaire, indispensable sésame pour passer à Gaza. Plusieurs équipes de télévision sont là ; toutes veulent passer à Gaza aujourd'hui. Mais il me manque un papier.

Je négocie pendant deux heures, puis sors en courant afin de récupérer au plus vite mes affaires à l'hôtel. J'attends (trop) longtemps un confrère brésilien pris dans les embouteillages de la ville sainte, collègue avec qui je partagerai le trajet jusqu'au poste-frontière de Erez, situé à 1h30 de route d'ici.

Nous sommes en retard. Si je ne passe pas aujourd'hui, ce sont 10 jours de préparation pour ce reportage qui tombent à l’eau, de même que l'opportunité de couvrir le transfert de l'ambassade américaine de Tel-Aviv a Jérusalem depuis Gaza.

Notre taxi fonce vers Erez pour tenter d’arriver avant la fermeture du point de passage à 15h. Il nous reste 20 minutes et 15 kilomètres à parcourir lorsque le chauffeur arrête son mini bus pour prendre en stop six travailleurs palestiniens frontaliers, qui rentrent chez eux pour le week-end. Ils nous porteront chance ; nous traversons dix minutes avant la fermeture.

Prochain passage possible pour les journalistes étrangers : dans 70 heures, le matin du 13 mai... si c’est ouvert.

Vendredi 11 mai, Gaza

Aujourd'hui, le jour de prière rime avec jour de protestation. Depuis le 30 mars, des dizaines de milliers de manifestants participent à la Marche du retour, tous les vendredis.

Nous passons la journée à Malaka, l'un des cinq points de rassemblement de cette manifestation situé à cinq kilomètres au sud-ouest de la ville de Gaza, avec mon cameramen et mon fixeur.

La plupart des participants arrivent à Malaka après la prière, en début d'après-midi. Armés de lances-pierres, les plus jeunes défient les militaires israéliens.

Des dizaines de jeunes manifestants tirent vers eux une quinzaine de mètres de fils de fers barbelés. Une prise de guerre, m'explique mon interprète, précisant : «Pour eux c’est très important.»

Les militaires ripostent par des tirs de gaz lacrymogènes. Aujourd'hui pas de morts sur ce site, mais des dizaines de blessés. Selon les Palestiniens, près de 10 000 personnes se seraient rendues à cette marche, à Malaka.

Nous interviewons des familles, des femmes, des hommes ou encore la «brigade du caoutchouc», chargée de faire brûler des pneus pour masquer la visibilité des tireurs d'élite israéliens…

Lire aussi : Les protestations se poursuivent à Gaza dans le cadre de la Grande marche du retour