Alors que la guerre contre Daesh est terminée en Irak, les autorités doivent gérer le devenir des combattants étrangers, mais aussi celui, plus complexe des milliers d'enfants soldats recrutés par le groupe terroriste. Le Figaro a publié un reportage dans son édition du 2 mars après s'être rendu dans un camp à Erbil, dans le Kurdistan irakien, pour interroger ces jeunes enrôlés par l'Etat islamique (EI).
Dans une ancienne prison reconvertie en centre de détention et de réhabilitation pour mineur, conçue pour accueillir 120 personnes, 460 prisonniers s'entassent. 309 sont d'anciens membres de Daesh. «Nous sommes débordés», confie la directrice du centre, précisant qu'il y avait eu une arrivée massive après la chute de Mossoul en août dernier. «Ces enfants soldats sont un nouveau phénomène pour nous», assure-t-elle, avant d'expliquer que l'extrémisme avait toujours été présent en Irak mais que les autorités n'étaient pas préparées à de tels profils «en si grand nombre».
«Je les ai rejoints pour leurs idées. A la mosquée, on me répétait que la charia et Abou Bakr al-Baghdadi étaient les voies à suivre [...] Beaucoup de jeunes étaient, comme moi, fascinés par les hommes de l'EI», confie Adel, qui s'est engagé dès l'âge de 15 ans au sein de l'armée de l'EI. A l'instar des autres jeunes du centre, il soutient ne pas avoir tué, mais décrit les scènes d'horreur auxquelles il a assisté : «J'ai vu beaucoup d'exécutions, de décapitations et de tortures. Des homosexuels étaient jetés du haut des immeubles.» S'il condamne aujourd'hui les exactions du groupe terroriste, d'autres sentiments surgissent au détour d'une phrase : «On était les rois. Les filles étaient à nos pieds !» Puis il se reprend rapidement, expliquant qu'il y avait bien des épouses à vendre à Mossoul, mais qu'elles étaient destinées aux cadres de Daesh : «Avec ma solde de 50 dollars par mois, je n'avais pas les moyens d'acheter une femme.»
Mustafa, 17 ans, qui s'est également engagé volontairement, explique avoir suivi une formation en trois étapes : la charia, l'entraînement physique, puis le tir. Racontant avoir combattu six mois en première ligne à Mossoul, il glisse quelques confidences sur les étrangers qu'il a rencontrés sur le front. «Les Français sont les plus durs. Ils sont plus cruels. Ils n'hésitent pas. Ils ne doutent pas», lance-t-il ainsi. «Moi, après avoir vu autant de morts et de massacres, j'ai flanché et j'ai eu peur», affirme l'adolescent. Mais son engagement était mû par la récompense promise aux djihadistes : «J'étais sûr de mourir en martyr et d'aller au paradis pour avoir les 72 vierges.»
Pour Shwan Saber Mustafa, fonctionnaire au sein de cette prison, les autorités ne sont «pas à la hauteur de la menace» et ne fournissent pas assez de moyens pour réhabiliter ces jeunes. «Si ces enfants sont des victimes, ils sont aussi très dangereux. Ces programmes, encore insuffisants, ne sont possibles que grâce à l'aide des ONG», soutient-il. «La guerre contre l'Etat islamique semble finie mais ce n'est en réalité qu'un début. La région compte près de 4 000 mosquées et la radicalisation des esprits s'accentue. Le pire est à venir car Daesh est dans les têtes», prévient-il, estimant qu'une seule chose était à même de contrer le phénomène : l'éducation.