RT : Que vous a répondu votre conseiller financier quand vous avez annoncé votre intention de destiner 100 millions de dollars (92 millions d’euros) pour un projet qui ne prévoit probablement aucun retour définitif sur investissement ? Pourquoi vous croyez autant dans ce projet ?
Youri Milner : Je crois que c’est un projet important pour toute l’humanité. Nous possédons maintenant la technologie, des capacités et des logiciels pour essayer réellement de répondre à cette question fondamentale : «sommes-nous seuls ?». Et je pense que dans dix ans, nous serons capables d’obtenir des résultats significatifs, dont l’ordre de grandeur sera plus important encore que tout ce qui a été réalisé ces 55 dernières années.
RT : Pour fournir autant d’efforts, il doit s’agir d’une passion personnelle pour vous ?
Youri Milner : En fait, j’ai étudié la physique, et ces questions essentielles m’ont toujours beaucoup intéressées. J’ai rencontré Stephen Hawking pour la première fois en 1987 dans une conférence scientifique. Et ces derniers 10-15 ans, les conditions se sont réunies pour permettre la réalisation de ce projet ; en premier lieu la découverte de plusieurs milliards de planètes comme la nôtre dans la galaxie. Deuxièmement, la possibilité d’utiliser les plus grands télescopes et finalement, le développement d’ordinateurs et de logiciels qui permettent de traiter les signaux des milliers de fois plus rapidement qu’auparavant.
RT : Pour revenir à votre projet : il est concentré sur l’écoute. Vous n’allez pas envoyer des messages ?
Youri Milner : L’envoi de messages est une question controversée dans la communauté académique. Il y a beaucoup de gens, y compris Stephen Hawking, qui nous demandent de faire attention dans nos tentatives d’entrer en contact avec des civilisations extraterrestres. Et je trouve qu’écouter est plus sûr d’un côté. Nous possédons des machines, des radiotélescopes et si nous écoutons uniquement, nous obtiendrons la connaissance. Tandis que la communication et l’envoi de messages, c’est quelque chose qui doit être débattu, non seulement par les scientifiques mais aussi par la société civile. Et je crois qu’envoyer des signaux sans savoir où ils vont, n’est pas la meilleure idée.
RT : Qu’est ce qui est le plus effrayant pour vous, trouver un indice de vie extraterrestre ou bien découvrir que nous sommes seuls ?
Youri Milner : Je dirais que les deux réponses sont assez sidérantes. Je pense qu’être seuls met en quelque sorte beaucoup de responsabilité nos épaules, comme si l’Univers n’avait pas aucun plan B. C’est une idée qui fait beaucoup réfléchir et aussi s’inquiéter, d’une certaine manière. Ainsi nous comprendrions qu’il faut préserver la seule planète que nous avons. Cela va constituer aussi un appel à la diversification dans le système solaire. Si nous sommes seuls, alors les plans de création de colonies sur la Lune et sur Mars recevraient des encouragements supplémentaires.
Si nous ne sommes pas seuls, cela sera une découverte vraiment importante et cela posera un tas d’autres questions comme par exemple «est-ce qu’il faut leur envoyer un signal ?». Et nous allons penser à la façon par laquelle nous allons communiquer avec eux, etc. Mais on espère que l’expérimentation, fournira dans les dix prochains années, des indices ou limites sur des signaux possibles. Cependant, si nous n’entendons rien, cela ne voudra pas dire qu’il n’y a personne là-bas et nous devrons continuer les recherches.
RT : Vous avez sûrement entendu il y a deux heures que la NASA a annoncé avoir découvert dans une galaxie lointaine, une «seconde terre» comme ils l’ont décrit. Cela veut dire que vous avez des concurrents maintenant ?
Youri Milner : Ce n’est pas vraiment une compétition, je dirais que c’est une information supplémentaire qui essentiellement soutient notre hypothèse concernant l’existence de plusieurs planètes comme la nôtre dans la galaxie, probablement il y a des milliards d’entre elles, et l’une vient d’être découverte. Et nous savons que notre galaxie est si grande qu’elle doit posséder des milliards de planètes et cela nous conforte dans l’idée que l’expérimentation en vaut la peine.
RT : Et finalement, si vous découvrez l’existence d’une intelligence extraterrestre, comment le saurons-nous, ce sera une information secrète pour le gouvernement ?
Youri Milner : Premièrement, le gouvernement n’est pas impliqué dans le projet, c’est une initiative totalement globale. Les télescopes se trouvent à travers toute la planète. Et nous n’allons pas dissimuler informations et résultats, mais au contraire ouvrir les données. Nos scientifiques dans les quatre coins du monde, ainsi que des amateurs et tous ceux qui désirent être impliqués dans ce projet seront capable de contribuer aux recherche. Et peut-être ils auront la chance de trouver des signaux dans les données qui seront diffusées au public.