«L'Etat espagnol a été défait», a exulté le 21 décembre Carles Puigdemont, au soir des élections régionales anticipées en Catalogne, à l'occasion desquelles les indépendantistes ont retrouvé la majorité absolue, grâce à sa liste Ensemble pour la Catalogne.
Cette dernière n'est certes pas arrivée en tête (34 élus), devancée par les libéraux anti-indépendantistes de Ciudadanos (25 % des voix, 37 sièges) qui promettaient de l'éloigner du pouvoir, mais permet au jeu des alliances aux indépendantistes de décrocher 70 des 135 sièges du Parlement.
Déjouant les sondages, le parti de droite de Puigdemont a ainsi devancé l'autre parti indépendantiste, la Gauche républicaine de Catalogne (32 élus). Avec les anticapitalistes de la CUP (4 élus), il dispose de nouveau de la majorité au Parlement, même si ces trois partis ne réunissent que 47,5% des voix. Le parti du Premier ministre espagnol Mariano Rajoy, le Parti populaire, ne récolte pour sa part que 4% des voix et 3 sièges.
«Un message au monde»
«Je veux féliciter le peuple Catalan, parce qu'il a envoyé un message au monde. La République catalane a gagné face à la monarchie et l'article 155. [Mariano] Rajoy et ses alliés ont perdu», a déclaré un Carles Puigdemont triomphant depuis Bruxelles où il est exilé.
«Désormais, il nous faut rétablir la démocratie, rétablir notre gouvernement légitime, nos libertés. Nous devons libérer tout ceux qui sont toujours en prison mais qui ne devraient pas l'être», a-t-il ajouté en référence à l'ancien vice-président Oriol Junqueras et aux responsables indépendantistes toujours emprisonnés.
Puigdemont rentrera-t-il en Espagne ?
Porté à la tête de la Catalogne début 2016 en promettant de mener la région vers l'indépendance, Carles Puigdemont a tenu parole. Il a convoqué un référendum d'autodétermination interdit par la Cour constitutionnelle, et émaillé de violences policières. Après la large victoire des indépendantistes lors de ce vote, il a soutenu, le 27 octobre, la déclaration d'indépendance du Parlement catalan. La proclamation de cette «république catalane» est cependant restée sans effets, la région ayant été mise sous tutelle et le Parlement dissous en vue de nouvelle élections.
Poursuivi en Espagne pour rébellion et sédition, Carles Puigdemont est alors parti pour Bruxelles, renonçant à un bras de fer avec l'Etat qui venait de le destituer. «La presse anti-indépendantiste l'a traité de lâche, mais s'il a un défaut, c'est plutôt sa témérité», a écrit son ami Antoni Puigverd dans le quotidien catalan La Vanguardia.
En quittant l'Espagne pour la Belgique, l'ancien journaliste de 54 ans a porté le conflit catalan au cœur de l'Union européenne et continué son combat depuis Bruxelles, en durcissant au passage le ton contre l'UE. Mais cette dernière n'a pas bougé, manifestant son soutien sans faille au chef du gouvernement conservateur espagnol, Mariano Rajoy.
Face aux électeurs, la stratégie de Carles Puigdemont de se présenter «comme le président légitime de la Catalogne en exil» a donc payé, avec une victoire «que personne ne peut contester», a-t-il souligné. Reste désormais à savoir s'il prendra le risque de revenir en Espagne, où il pourrait être immédiatement incarcéré.