C'est suite à une douche un peu trop longue que les gardes en charge de Joaquin Guzman, dit «El Chapo» ont réalisé que quelque chose clochait samedi soir. En entrant dans la cellule, ils ont découvert un trou de 10 mètres de profondeur dans le plancher, muni d'une échelle et conduisant à un tunnel souterrain d'une longueur d'1,5 kilomètre de long qui prenait fin dans une maison en construction au beau milieu des champs.
Classique, mais ça marche
Une vidéo de RT montre une douzaine d'agents et forces de l'ordre observant perplexes le trou rectangulaire dans le plancher de cette maison isolée qui a très probablement été la résidence temporaire des creuseurs du tunnel. A l'intérieur, une cuisine rudimentaire, un lit et quelques paires de chaussures. Autant dire, aucun indice sur l'endroit où pourrait désormais se trouver le fugitif.
D'autant plus que, dans sa fuite, El Chapo s'est débarrassé du bracelet électronique qu'il était obligé de porter et a brisé toutes les ampoules du tunnel qui est, par ailleurs, équipé d'une ventilation, de réservoirs d'oxygène, d'escaliers et d'une moto sur rails.
Le commissaire à la Sécurité nationale Monte Alejandro Rubido a déclaré lors d'une conférence de presse dimanche qu'une chasse à l'homme à grande échelle était désormais en cours et que les fonctionnaires du centre pénitentiaire étaient actuellement interrogés.
Le baron de la Drogue mexicain El Chapo n'en est pas à sa première évasion. En 2001 il s'était déjà fait la malle d'une prison fédérale de haute sécurité en soudoyant les gardiens. Il est actuellement recherché par les gouvernements du Mexique, des États-Unis, ainsi que par Interpol.
Selon Mike Vigil, un agent de la DEA (Drug Enforcement Administration) américaine à la retraite intérrogé par AFP, l'homme pourrait avoir «complètement repris le contrôle du cartel de Sinaloa, s'il n'est pas capturé dans les prochaines 48 heures».
«S'il parvient à atteindre le massif montagneux de l'Etat de Sinaloa, d'où il est natif, le capturer sera très difficile car il bénéficie de la protection de la population locale», a dit Mike Vigil.
Tandis que le président mexicain Enrique Peña Nieto a décrit cette évasion comme «un affront à l'État», les internautes ont posté des commentaires amusés sur cette évasion dans le style du film emblématique «Les évadés» (1994).
El Chapo («Le Petit» ou «Le Bref» en espagnol-mexicain) est connu comme un des plus puissants chefs du crime organisé dans le monde et était considéré par le département américain du Trésor, comme le «plus puissant trafiquant de drogue dans le monde» jusqu'à sa dernière arrestation en Février 2014.
Le cartel de Sinaloa dont il est le chef, brasserait des milliards de dollars de cocaïne, de marijuana et de méthamphétamine aux États-Unis. Il mène une guerre brutale et sans merci aux autres gangs.
Jubilation pour «El Chapo», consternation pour le gouvernement...
Cette évasion est un coup dur pour le président mexicain Enrique Peña Nieto, qui était hier en visite en France pour assister aux festivités du 14 juillet, auxquelles le Mexique était cette année la nation invitée d'honneur. le Ministre de l'Intérieur Miguel Angel Osorio Chong a dû rentrer immédiatement au Mexique.
Une situation d'autant plus humiliante pour le gouvernement que deux photos de Joaquin Guzman ont été divulguées en ligne après son évasion.
Publiées par ElBlogDelNarco, un blog sur la lutte contre la criminalité de la drogue au Mexique, elles auraient été envoyées par un des fils de El Chapo. Un des clichés montre le baron de la drogue assis dans un cockpit d'avion tandis que sur l'autre il sirote tranquillement une bière.
L'authenticité des photos n'a pas été confirmée, car la famille Guzman mettrait la liberté du fugitif en jeu si elle fournissait des informations sur lui. Cependant un de ses fils avait apparemment laissé entendre sur Twitter que son père allait s'évader dans les jours à venir.
Pendant ce temps, près de 50 fonctionnaires de la prison sont actuellement interrogés par les enquêteurs mexicains, ces derniers soupçonnant que certains d'entre eux aient pu aider le baron de la drogue à s'évader. Lors d'une conférence, le ministre de l'Intérieur Miguel Angel Osorio Chong a déclaré aux journalistes que Guzman «a du recevoir de l'aide parmi le personnel de la prison d'Altiplano».
Le ministre a également fait savoir que le directeur de la prison ainsi que les deux fonctionnaires qui étaient en charge de la surveillance de El Chapo ont été licenciés.
Le Procureur général du Mexique Arely Gomez, qui a également pris part à la conférence de presse, a déclaré que les autorités étaient prêtes à offrir 60 millions de pesos (3,5 millions d'euros) pour toute information qui permettrait de capturer le fugitif.
Hommages et éloges des narcotrafiquants
L'évasion spectaculaire de El Chapo a également fait le bonheur des chanteurs de «narco-corrido», genre musical qui conte les «exploits» des leaders de cartel et qui fait partie de la culture locale dans le nord du Mexique.
Sur un rythme gai et entraînant, avec guitares, accordéons et parfois de cuivres, les chanteurs délivrent des paroles qui parlent de violence, d'armes et d'affrontements.
Ainsi, un groupe de «corridos», Los Alegres del Barranco, qui avait déjà mis en musique l'arrestation de Guzman en février 2014, a posté une chanson sur son évasion qui a déjà généré plus de 30 000 clics.
Mais si les «chanteurs narcos» relatent favorablement les aventures criminelles des leaders de cartels, ils n'échappent pas toujours à la violence. Ainsi, plus de cinquante d'entre eux ont été abattus au Mexique depuis que la guerre pour le contrôle de la drogue s'est intensifiée en 2006. Beaucoup ont reconnu avoir composé leurs ballades à la demande de trafiquants voulant que leurs exploits soient contés.