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«Ce n'était que mon travail» : l'officier soviétique qui a évité au monde le feu nucléaire est mort

Un officier soviétique qui, en pleine guerre froide, avait refusé de croire son système informatique et potentiellement évité un conflit nucléaire, est décédé près de Moscou à l'âge de 77 ans.

Stanislav Petrov «est décédé le 19 mai dernier dans son appartement à Friazino», à 20 kilomètres au nord-est de Moscou, d’après son fils Dmitri cité par l’AFP ce 19 septembre. Lieutenant-colonel de l’armée soviétique à la retraite, Stanislav Petrov, est entré dans l’histoire mondiale comme celui qui a prévenu le déclenchement d’une chaîne d’événements potentiellement désastreux…

En 1983, dans la nuit du 25 au 26 septembre, ce militaire, à l'époque officier de garde sur une base d'alerte stratégique au sud de Moscou, disposait de quelques instants pour interpréter le signal d'alarme des satellites de surveillance qui lui annonçait l’attaque de cinq ou six missiles américains contre l'URSS.

«Quand j’ai vu le premier message d’alerte, je me suis levé de ma chaise. Tous mes subordonnés étaient désorientés, donc j’ai commencé à leur donner des ordres à haute voix pour éviter la panique. Je comprenais que ma décision aurait beaucoup de conséquences», s’est rappelé Stanislav Petrov dans une interview accordée à RT en 2010.

«L’alerte s’est ensuite déclenchée pour la deuxième fois. L’inscription "START" en lettres géantes rouge sang est apparue sur l’écran. Le message précisait que quatre autres missiles avaient été lancés», a raconté le militaire. A partir de ce moment, le Kremlin avait seulement 28 minutes pour appuyer sur le bouton rouge et lancer ses missiles en réponse. Petrov, lui, avait seulement 15 minutes pour déterminer si la menace était réelle et le faire savoir à ses supérieurs.

«J’admets que j’avais peur. J’avais conscience du niveau de responsabilité», a-t-il raconté à RT.

L'officier estima alors qu'une attaque américaine devait impliquer une centaine de missiles tirés de plusieurs bases et pas cinq ou six, et il conclut qu'il s'agissait d'une erreur des systèmes d'alerte. Il prit sur lui d'annoncer à ses supérieurs non pas une attaque imminente mais une fausse alerte. Sa décision a peut-être permis d'éviter une riposte soviétique et le déclenchement d'un conflit nucléaire mondial, à un moment de grande tension entre Moscou et Washington.

Par la suite, les spécialistes soviétiques ont établi que la fausse alerte était due à une interprétation erronée de la réflexion des rayons du Soleil sur les nuages, confondue avec le dégagement d'énergie de missiles au décollage.

Quelques mois après l'incident, Stanislav a reçu une décoration pour «mérites rendus à la Patrie au sein des forces armées», sans aucune explication.

Gardé secret pendant dix ans, l'incident ne sera révélé que deux ans après l'éclatement de l'URSS en 1991, par l'hebdomadaire Soverchenno Sekretno (Top Secret). En 1998, le supérieur de Stanislav Petrov, le colonel général Youri Votintsev a reparlé de cet incident en 1998 dans une interview avec le quotidien allemand Bild.

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L’histoire a ensuite reçu une vaste couverture médiatique en Occident, qui a découvert en lui un héros. «[Stanislav Petrov] a reçu une centaine de lettres de reconnaissance de tous les coins d'Europe», a raconté son fils Dmitri à l’AFP. En 2014, le film qui raconte son histoire The Man Who Saved the World (L'Homme qui a sauvé le monde), de production dano-américano-russo-lettone, est sorti sur les écrans.

«Quand les gens ont commencé à me dire qu’on me traitait de héros à la télé, j’étais surpris. Je ne me suis jamais considéré comme un héros – après tout, je ne faisais que mon travail», a simplement expliqué Stanislav Petrov.