Elles avaient rejoint les territoires syriens contrôlés par l'Etat islamique depuis leurs pays d'origine, parfois accompagnées de leurs maris, espérant pouvoir vivre dans le rigoureux respect de l'islam : plusieurs femmes témoignent à RT, après avoir réussi à s'en échapper, de l'enfer qu'elles y ont découvert et du calvaire qu'elles ont enduré.
Khadija, venue de Tunisie avec son époux dans l'espoir de trouver à Raqqa une communauté musulmane soudée et pieuse, regrette amèrement son choix. «Mon mari et moi avons fait une terrible erreur en nous rendant là-bas», confie-t-elle. S'adressant à ceux qui pensent que l'Etat islamique poursuit des objectifs religieux, elle les enjoint à ne pas se laisser berner : «L'Etat islamique n'est pas un Etat musulman, il ne prêche pas l'islam et la charia et ne vit pas en accord avec les principes du prophète et du Coran.»
La jeune femme raconte l'atmosphère de terreur dans laquelle elle a passé trois années de sa vie, les exécutions sommaires et la cruauté des combattants envers les civils. «Quiconque ose protester se voit décapité sans sommation», raconte-t-elle. Les atrocités quotidiennes dans les territoires contrôlés par l'Etat islamique l'ont rendue lucide. «Ces gens-là ne sont pas dans le droit chemin : leur Etat tyrannique est sous l'emprise de Satan», estime-t-elle.
Prenant conscience de leur erreur, Khadija et son mari ont alors décidé de fuir Raqqa par le sud afin de gagner la ville de Mayadin, puis la Turquie. Sur ce chemin périlleux, elle aura pu mesurer l'ampleur de la cruauté des membres de l'Etat islamique. «Que de souffrance dans tous ces endroits où vivaient femmes et enfants !», se souvient-elle. «Les enfants avaient des poux, parfois la gale, et n'étaient jamais soignés», rapporte-t-elle encore.
Le terrible sort des femmes et des enfants
Mais le plus effrayant reste selon elle le sort réservé aux femmes. Au moindre écart de conduite, celles-ci sont placées dans des dortoirs précaires aux allures de prison, sous la stricte autorité de surveillantes au comportement «répugnant» : absence d'hygiène, mauvais traitement, femmes contraintes d'accoucher seules... Khadija se rappelle du sort d'une détenue qui, alors qu'elle suppliait pour qu'on l'aide à accoucher, ne recevait que l'indifférence la plus froide de la part des surveillantes : «Elle s'est rendue au jardin, tout en saignant abondamment... Elle est restée là toute la nuit sous la pluie, dans le froid : personne ne s'est occupé d'elle, pas même son mari qui, le lendemain matin, passant devant son corps étalé sur le sol, a feint de ne pas la voir, comme si rien ne s'était passé, comme s'il ne s'agissait que d'un chien.» Telle autre femme, raconte Khadija, s'est vue refuser un transfert à l'hôpital alors que sa jambe pourrissait, la condamnant à l'amputation.
Autre glaçante réalité de la vie dans l'Etat islamique : la pratique courante et en pleine expansion de l'esclavage. En plus de leurs femmes, les combattants ont souvent des esclaves sexuelles, ayant un statut comparable à celui d'un objet, pouvant être abusé, échangé ou offert comme cadeau à un tiers. La plupart, de très jeunes filles yézidies, vivent séparément du couple matrimonial.
Nour al-Khouda, jeune Libanaise ayant suivi son mari endoctriné en Syrie, décrit l'effroyable mécanique de ce commerce florissant. Des fillettes mineures, parfois âgées de 8 ans, sont régulièrement vendues sur des marchés. «Rien n'a plus d'importance à leurs yeux que l'apparence des fillettes : ils les maquillent pour mieux les vendre, généralement pour l'équivalent de 13 000 euros, mais parfois jusqu'à 26 000 euros pour de jeunes vierges», explique-t-elle. On estime qu'entre 3 000 et 5 000 Yézidies sont retenues captives par l'Etat islamique.
Le sort réservé aux épouses officielles n'est guère plus reluisant. Celles-ci ne jouissent d'aucune liberté et d'aucun respect. Mariées contre leur gré la plupart du temps, elles se voient attribuer un nouvel époux d'office après le décès de leur mari au combat.
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