«Aucun homme politique dans l'Histoire, et je dis cela avec beaucoup d'assurance, n'a été traité plus injustement», s'est plaint le 45e président des Etats-Unis lors d'un discours devant l'Ecole des garde-côtes. Aux élèves, il a prodigué ce conseil, inspiré par sa propre expérience politique : «Ne laissez jamais, jamais tomber.»
Ces phrases étaient la seule allusion du chef d'Etat, le 17 mai, à l'atmosphère de crise qui s'est répandue sur la capitale fédérale américaine depuis une semaine.
«Révélations» en série
Le milliardaire a d'abord limogé James Comey de la direction du FBI, prétextant sa mauvaise gestion de l'affaire des e-mails d'Hillary Clinton, avant d'admettre qu'il avait depuis longtemps décidé de se débarrasser de lui.
Le locataire de la Maison Blanche est exaspéré par la persistance de l'enquête sur une éventuelle collusion entre des membres de son équipe de campagne et la Russie. Enquête qui, jusqu’à maintenant, n’a pas débouché sur la moindre preuve.
Puis, selon le New York Times, il aurait demandé, en février, à James Comey de classer l'enquête sur Michael Flynn, son éphémère conseiller à la sécurité nationale soupçonné de jeux troubles avec la Russie. James Comey aurait consigné cette tentative d'étouffer une enquête dans des notes, qui ont commencé à fuiter dans la presse.
Le Congrès n'a pas attendu, et a demandé le 17 mai au directeur du FBI fraîchement limogé de venir témoigner lors d'une audition publique, réclamant aussi la production de ces notes, devenues en quelques heures les documents les plus recherchés des Etats-Unis.
Pour la Russie, tout ceci n’est que du théâtre
A cela s'ajoute une affaire distincte, qui reflète selon les détracteurs du président son incapacité à exercer la fonction suprême.
Il aurait donné au chef de la diplomatie russe et à l'ambassadeur de Moscou, dans le Bureau ovale le 11 mai, des informations secrètes sur un projet d'opération du groupe Etat islamique. La Maison Blanche ne conteste pas le fond de ces révélations mais insiste sur le fait que le partage d'informations est une prérogative absolue du président.
Problème : une source de l'administration a confirmé que ces renseignements très secrets avaient été fournis par Israël, dont les méthodes et sources sur le territoire de l'organisation djihadiste risquent ainsi d'être mises à jour.
Depuis la Russie, Vladimir Poutine a ironisé sur les luttes qui déchirent Washington et... proposé au Congrès de fournir la retranscription russe du rendez-vous du Bureau ovale pour prouver que rien de secret n'avait été divulgué par le président américain. Le locataire du Kremlin a parlé de «schizophrénie politique» se développant aux Etats-Unis.
En Israël, où Donald Trump débarquera le 22 mai dans le cadre d'une tournée internationale, le gouvernement se garde de tout commentaire.
Le secrétaire américain à la Défense, James Mattis, a assuré qu'il n'y avait eu «aucune perturbation» dans les relations avec les alliés des Etats-Unis, mais beaucoup d'experts s'interrogeaient sur l'avenir de la coopération en matière de renseignement.
«Les événements des deux dernières semaines ont ébranlé ma confiance dans la compétence et la crédibilité de cette administration», a déclaré Chuck Schumer, chef de file de l'opposition démocrate du Sénat.
«Ce n'est que révélation après révélation, allégation après allégation de faute grave. Ces deux derniers jours, on a atteint un nouveau sommet», a-t-il ajouté.
Le témoignage de James Comey très attendu
Le puissant Mitch McConnell, gardien de la feuille de route républicaine au Sénat, a regretté les «psychodrames» à répétition, une rare admonestation.
Cependant, pour l'instant, les républicains refusent de se joindre aux appels de l'opposition démocrate à la nomination d'un procureur spécial pour reprendre l'enquête sur la Russie.
Mais la plupart des élus savent que le témoignage de James Comey sera déterminant pour l'avenir de la présidence Trump.
«Nous avons besoin des faits», a déclaré le président de la Chambre, Paul Ryan, appelant à garder la tête froide. Fait-il toujours confiance au président ? «Oui», a-t-il dit.
Des fissures commencent donc à apparaître dans la digue républicaine. Une poignée de républicains sont désormais favorables, aux côtés des démocrates, à la création d'une commission d'enquête indépendante sur tous les aspects de l'affaire russe.
L'un d'eux est le sénateur John McCain, ennemi politique de Donald Trump, qui a comparé la situation, par son ampleur, au scandale du Watergate qui fit tomber Richard Nixon en 1974.