Dans un entretien à la radio régionale WDR diffusé le 9 mai, la chancelière allemande Angela Merkel a balayé toute hypothèse de tenue sur le sol allemand d'une éventuelle campagne référendaire sur le rétablissement de la peine capitale en Turquie.
«La peine de mort est un sujet que nous refusons catégoriquement, pourquoi y aurait-il une autorisation [de faire campagne] alors qu'on n'y est pas obligé ? On ne le fera pas», a-t-elle déclaré.
Berlin avait préalablement indiqué que l'Allemagne ne laisserait pas un référendum sur le rétablissement de la peine capitale se tenir sur son sol, où vivent 1,4 million d'électeurs turcs, si la Turquie décidait d'organiser un tel scrutin. «Politiquement, il n'est pas concevable que nous autorisions une telle consultation au sujet d’une mesure en opposition claire avec notre Constitution et avec les valeurs européennes», avait ainsi déclaré Steffen Seibert, porte-parole du gouvernement allemand.
Berlin, Vienne, Bruxelles et La Haye sur la même ligne
L'Allemagne n'est pas le seul pays européen à s'opposer à la tenue d'une campagne référendaire sur le rétablissement de la peine de mort sur son sol. La Belgique, les Pays-Bas et l'Autriche sont également montés au créneau au cours de ces derniers jours.
Pour sa part, le Premier ministre belge Charles Michel a d’ores et déjà annoncé qu’il ne tolérerait pas la tenue d’un tel référendum sur le sol belge. La Belgique étudiera, selon lui, «toutes les possibilités juridiques» pour interdire l'éventuelle consultation turque sur son territoire.
Le ministre autrichien des Affaires étrangères, Sebastian Kurtz, a déclaré le 5 mai à l'agence Austrian Press que l'Autriche pourrait interdire le référendum turc sur son sol, si Ankara décidait d'organiser cette consultation. «Légalement, cela est possible dans le cadre du droit international qui permet à l'Etat, au nom de sa souveraineté territoriale, d'interdire la tenue d'un référendum étranger», a précisé Sebastian Kurtz. Pour rappel, sur les 273 000 Turcs vivant en Autriche, 120 000 ont le droit de voter aux élections et consultations turques.
La Haye a également réagi, le gouvernement néerlandais annonçant examiner les moyens d'empêcher le vote aux Pays-Bas. Dirk-Jan Vermeij, un porte-parole du ministre néerlandais des Affaires étrangères, a déclaré que les autorités néerlandaises ne voulaient pas du référendum sur le territoire batave et qu'ils ne feraient rien pour le faciliter.
La «[réintroduction] de la peine de mort [en Turquie] serait une rupture avec les valeurs européennes et ne serait pas compatible avec l'adhésion à l'Union européenne et au Conseil de l'Europe», a-t-il ajouté.
La campagne électorale du référendum d'avril dernier sur le renforcement des pouvoirs du président turc Recep Tayyip Erdogan avait déjà empoisonné les relations entre Ankara et plusieurs capitales européennes, notamment Berlin et La Haye. Le chef de l'Etat turc avait même accusé le gouvernement allemand de «pratiques nazies» après que des ministres ont été empêchés de faire campagne sur le territoire allemand.
Après la courte victoire du oui au référendum sur le renforcement des pouvoirs de Recep Tayyip Erdogan, ce dernier s'était dit prêt à organiser une nouvelle consultation, cette fois-ci sur le rétablissement de la peine de mort. Pour le chef de la diplomatie allemande, Sigmar Gabriel, une telle mesure serait «synonyme de la fin du rêve d'Europe».
Recep Tayyip Erdogan est accusé par ses détracteurs de dérive autoritaire, notamment depuis le putsch avorté de juillet, suivi de l'arrestation de plusieurs dizaines de milliers de personnes, dont de nombreux journalistes critiques.