C'est une cacophonie européenne. Après le référendun annoncé samedi 27 juin par le premier ministre grec Alexis Tsipras, l'Europe montre des divergences d'opinions importantes. Réactions de soutien ou d'indignation, optimisme et pessimisme, critique de la troïka ou de la Grèce, c'est un florilège d'avis qui secoue la classe politique depuis hier.
Depuis son compte Twitter, le premier ministre grec a enfoncé le clou, arguant que sa décision de faire appel au vote du peuple constituait une démarche démocratique essentielle.
Une ligne adoptée également par le ministre des finances de son gouvernement, Yanis Varoufakis.
Parmi les représentants de la classe politique européenne, ils sont un certain nombre à montrer leur soutien à Syriza. En première ligne, les leaders des partis eurosceptiques.
Pour Jean-Luc Mélenchon, du Parti de Gauche, la Grèce fait preuve de dignité face à des créanciers carnassiers.
A l'autre bout de l'hémicycle, le Front National, par la voix de Florian Philippot, le référendum est une «leçon de démocratie.»
De l'autre côté de la Manche, le leader du parti indépendantiste britannique Ukip appelle la Grèce a regagner sa souveraineté, dans un message qui se veut supportif.
Pour Pablo Iglesias, le leader du parti espagnol Podemos, dont des militants viennent d'être élus maires de Madrid et Barcelone, «Le Fonds monétaire international et le gouvernement allemand attaquent la démocratie. Ils détruisent le projet politique de l'Europe.» L'homme politique s'est exprimé de cette manière face à la presse, ajoutant que le FMI voulait «étrangler la Grèce.»
Un soutien qui ne vient pas de tous les bords politiques. Chez les représentants des partis républicains traditionnels, la tendance était plutôt à l'indignation, après l'annonce du référendum, avec un message commun : la Grèce doit rester dans la zone euro.
Pierre Moscovici, commissaire européen et ancien ministre de l'économie du gouvernement Hérault, s'exprime sans équivoque sur le sujet.
Un point du vue partager par le Polonais Donald Tusk, le président du Conseil Européen.
L'ancien ministre du budget, Eric Woerth, se montre moins indulgent et attaque de front la décision grecque.
Le député, ancien ministre du gouvernement Fillion Benoist Apparu, montre aussi son agacement face à ce qu'il considère être de l'irrespect.
Dans la presse grecque même, un scepticisme face au référendum se dévoile dans l'incompréhension des éditorialistes. Le quotidien Kathimeini, représenté par son rédacteur en chef Nick Malkoutzis et l'éditorialiste Yannis Palaiologos, s'exprime d'une voix dubitative sur le sujet. Pour Palaiologos, un «non» au référendum est synonyme de sortie de la zone euro.
Johann Georg Schelling, le ministre des Finances autrichien, a déclaré «[qu'] une sortie de la Grèce de la zone euro parait presque inévitable,» au journal autrichien Die Presse. Pour le ministre, «La Grèce devra en premier lieu demander à quitter l'Union Européenne et il reviendra alors aux autres pays de se prononcer sur ce départ.»
Ce débat d'idée montre le déchirement des opinions en Europe. Entre support et indignation, le maintien de la Grèce dans la zone euro n'est pas une nécessité aux yeux de tous. Cette confrontation indirecte entre avis divergent aura au moins été une tribune pour de nombreux représentants, élus ou citoyens de la zone euro de s'exprimer. Ancien ministre des finances et directeur général du FMI Dominique Strauss Kahn, dont le retour sur Twitter, il y a moins d'une semaine, avait fait grand bruit, s'est également exprimé sur le sujet. DG du FMI au début la crise grecque, il a fait une série de proposition dans une déclaration de trois pages, en Français et en Anglais, intitulée «apprendre des ses erreurs.»
Un contexte délicat
Alors que la menace de la crise bancaire ne s'est jamais montrée aussi iminente, la Banque Centrale Européenne (BCE) a organisé une réunion du conseil de ses gouverneurs, dimanche 28 juin. Au programme, se pencher sur cette crise et réflechir au potention avenir pour Athènes.
Si un tel sommet se tient, c'est parce que les rapports entre la Grèce et ses créanciers de la troïka (BCE, Union Européenne – UE, et Fonds Monétaire International – FMI) se sont considérablement dégradés ces derniers jours. En cause : l'annonce par le premier ministre grec Alexis Tsipras de soumettre la dernière proposition de la troïka à son peuple par la voix d'un référendum. Une décision qui remet en question les accords prévus au terme des dernières négociations entre Athènes et ses créanciers.
En savoir plus : Crise en Grèce : Contre «l'ultimatum,» le «référendum»
Pour Alexis Tsipras, les conditions du plan d'aide de la troïka sont un «ultimatum,» auquel le peuple grec «dira un grand non.» Pour l'Eurogroupe (la réunion des ministres des finances de la zone euro), la Grèce, par ce référendum, «a rompu les négociations de manière unilatérale.» Des propos émis autant par le président de l'Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem et le ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble.
Le référendum a été validé par le parlement grec, dans la nuit du samedi 27 au dimanche 28 juin, au terme d'un débat et d'un vote où 178 députés se sont prononcés pour. Syriza, le parti du premier ministre Alexis Tsipras et du ministre des Finances Yanis Varoufakis, dispose de 162 sièges sur les 300 que compte l'hémicycle. Le peuple hellène sera ainsi appelé à se rendre aux urnes, le 5 juillet 2015, pour accepter ou rejeter le nouveau plan d'aide de ses créanciers. Ce plan prévoit une prolongation de cinq mois du programme d'aide de la troïka, avec à la clef un paquet financier de 15,5 milliards d'euros de prêts, mais il s'accompagne de contreparties exigeantes. La Grèce devrait rembourser 12 milliards d'euros en quatre versements d'ici fin novembre et mettre en place des mesures budgétaires importantes. Parmi celles-ci les réformes des retraites et de la TVA, ainsi que le réaménagement de la dette grecque qui correspond aujourd'hui à 180% de son PIB, sont des points de désaccord qui bloquent l'avancée des négociations.
Ces conditions, Athènes ne les accepte pas, estimant que la prolongation de l'aide est trop courte, ses montants insuffisants et ses conditions trop sévères. L'Eurogroupe s'est réunis à 18, sans la Grèce, samedi 27 juin, et a annoncé sa décision unanime de ne pas prolonger le programme d'aide financière, celui-ci prenant fin mardi 30 juin. Une échéance qui correspond aussi à un remboursement de 1,5 milliards d'euros de la Grèce au FMI, le pays risquant de se trouver en défaut de paiement, prélude à une possible sortie de la zone euro.