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Autant en Emporte le Vent est-il un film raciste ?

Le film, tiré du roman du même nom par Margaret Mitchell, est taxé de racisme et d'apologie de l'esclavagisme par un critique du New-York Post.

C'est un des piliers de la culture littéraire et cinématographique américaine. Autant en Emporte le Vent – Gone With The Wind dans sa version originale - a remporté pas moins de sept Oscars en 1940. Mais, en 2015, à l'heure où le drapeau confédéré pourrait se retrouver enfermé dans un musée, le message transmis par ce film est-il toujours adéquate et approprié ?

Ce n'est pas l'avis de Lou Lumerick. Ce critique de cinéma a affirmé dans le NY Post que ce film était « indéniablement raciste » et qu'il « romantisait l'esclavagisme. » Un éditorial qui a beaucoup fait réagir outre-atlantique, surtout que le film doit être projeté au Museum of Modern Art (Musée d'Art Moderne de New-York), le 4 juillet prochain (jour de la fête nationale américaine), à l'occasion du 75e anniversaire de l'invention de la technicolor.

Un symbole du racisme sudiste

D'après Lou Lumerick, des références racistes, plus ou moins assumées, sont repérables tout le long du film. La guerre de Sécession, qui a opposé au XIXe siècle le sud esclavagiste au nord abolitionniste d'Abraham Lincoln, est présentée comme un épisode de l'histoire néfaste, nuisible pour la nation. Le nord est pointé du doigt comme un agresseur et l'abolitionnisme y est critiqué de manière sous-jacente.

Si le fameux ''mot en N'' (l'équivalent anglophone du très insultant ''nègre'' en français) n'est pas dans le film, de nombreuses références aux ''darkies'' (les ''foncés'') s'y trouvent. Et si le Ku Klux Klan, ce groupuscule extrémiste du sud des États-Unis qui terrorisait et assassinait les populations africaines-américaines, n'est pas pas mentionné dans le film, chacun devine en quoi consistent les « meetings politiques » auxquels assistent les personnages de Rhett et Ashley. L'utilisation d'un autre symbole fort de la haine raciale, le drapeau confédéré, est une nouvelle référence raciste, selon le journaliste, notamment quand il « flotte au-dessus des soldats morts et blessés, à la gare de d'Atlanta, juste avant l'entracte. »

Le critique fait une analyse plus profonde encore. Au-delà de la déformation des antagonismes dans la guerre civile américaine, il estime que le film sous-entend que la conservation de l'esclavage par les populations du sud n'aurait pas été la raison de se battre pour les confédérés. La protection des droits des états, élément souvent évoqué pour justifier la sécession de certains états du sud, qui a entraîné la guerre, en serait le principal déclencheur. Pour Lou Lumerick, enfin, « l'esclavage est une institution romantisée sans vergogne dans le film. »

Un monument à exposer au musée

La difficulté, pour le critique, de toucher le public américain avec ses arguments, réside dans l'immense succès que le film connaît, depuis sa sortie, en décembre 1939 (trois ans après la publication du roman.) Avec dix Oscars de raflés, le film est un élément essentiel de la culture artistique américaine. S'il on met ses recettes à proportion de l'inflation de 2015, c'est le film le plus rentable de tous les temps. Le roman duquel il est tiré a par ailleurs obtenu le Prix Pulitzer et l'actrice africaine-américain Hattie McDaniel sera la première femme noire à remporter un Oscar (celui du meilleur second rôle,) pour le personnage qu'elle y incarne.

Il sera donc difficile de convaincre une audience si habituée et attachée à ce film de le placer à l'index. Mais, à l'heure où la montée du racisme, notamment avec la tuerie de Charleston, en Caroline du Sud, semble immuable auprès des américains, le principe de précaution et le politiquement correct pourrait bien aider le critique à gagner la partie. Le très controversé et néanmoins très respecté drapeau confédéré (le symbole du sud pendant la guerre civile) pourrait déjà se voir retirer de la vie publique pour finir dans la poussière des musées. Gageons que si les américains sont capable d'un tel sacrifice, rien n'empêche de penser que parviendront à se passer du film, même si celui-ci est diffusé tous les ans. Le président Obama, en visite à Chareston après la tuerie perpétrée par un jeune blanc qui a laissé neuf morts parmi la communauté noire, a appelé de ses voeux, dans un discours, au retrait du drapeau confédéré.