Le patriarche de la politique russe Evgueni Primakov a succombé à une maladie à l’âge de 85 ans vendredi matin, d’après une source proche de son entourage. Le président russe Vladimir Poutine a déjà exprimé ses profondes condoléances à la famille et aux proches de Primakov dans une déclaration officielle sur le site de l’administration du Kremlin.
«C’était un homme d’Etat, un scientifique, un homme politique qui a laissé un héritage énorme», a déclaré le porte-parole du président Dmitri Peskov aux journalistes.
Cet homme illustre a commencé sa carrière à l’époque soviétique en tant que journaliste et expert du Moyen-Orient à la radio et dans «Pravda», l'un des journaux les plus importants de l’URSS. Il a pu monter dans les milieux académiques, en devenant responsable de l’Institut des études de l’Orient, un des établissements les plus influents quant à la recherche dans le domaine des relations internationales.
Il a entamé sa carrière politique en 1989, en devenant le président du Soviet suprême de l’URSS. Vu ses connaissances en politique du Moyen-Orient, il a été nommé envoyé spécial en Irak dans les années 1990-1991, avant la guerre du Golfe, et a tenu des négociations avec Saddam Hussein.
Après les évènements de 1991, Primakov a poursuivi sa carrière dans le domaine du renseignement, en devenant le premier vice-président du KGB, puis le directeur du Service de renseignements étrangers jusqu’en 1996, lorsqu’il a été nommé ministre des Affaires étrangères de la Russie. A ce poste, Primakov a mené une politique étrangère équilibrée, en développant des relations de partenariat avec les pays occidentaux, de même que ceux de l’Orient. D’après son collègue, le diplomate Alexeï Fedotov, en étant ministre Primakov «a rendu sa dignité à la politique extérieure et au service diplomatique de la Russie».
En 1998, Primakov a été nommé Premier ministre, après le rejet pas la Douma d’état de la candidature du chef du gouvernement précédent Viktor Tchernomyrdine après la crise financière de 1998 en Russie. A ce poste, en introduisant un programme anti-crise et des réformes de taxation, il a pu obtenir la stabilisation économique et politique de la Russie, selon un sondage d’opinion publique un an après sa nomination.
Un des incidents les plus notables de sa carrière s'est produit en mars 1999, alors en chemin vers les Etats-Unis pour une visite officielle, il a appris au-dessus de l’Atlantique la décision de l’OTAN d’entamer des bombardements en Yougoslavie. En guise de geste diplomatique pour montrer son mécontentement, il avait alors ordonné au commandant de bord de faire demi-tour et de revenir à Moscou.
Sa destitution par le président Eltsine a été perçue négativement par 81% de la population russe. Certains analystes estiment que le président a renvoyé le gouvernement en prévision d’un possible «impeachment» contre lui par la Douma, Primakov refusant d’influer sur la décision des députés.
Après sa démission, Primakov a rejoint brièvement une nouvelle formation politique et a déclaré son intention de se présenter à l’élection présidentielle. Il s'est pourtant désisté en février 2000 et s'est rangé derrière la candidature d'un nouveau leader russe du nom de Vladimir Poutine.
En 2001, il est devenu président de la Chambre de Commerce et d'Industrie, organe de lobbying des intérêts des commerçants. Il a effectué deux mandats à ce poste, jusqu’en 2011.
Pendant les dernières années de sa vie, Primakov s’est de nouveau lancé dans la science, en devenant membre du présidium de l’Académie de Sciences de Russie.
Primakov a souvent été qualifié de «maître du compromis». Ce côté de son caractère l'a aidé à constuire une brillante carrière politique tout en restant très attentif envers les intérêts de la Russie autant à l’extérieur de ses frontières qu'à l’intérieur.