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Syrie : face au blocage sino-russe, les Etats-Unis menacent de mener leur «propre action»

L'ambassadeur des Etats-Unis a déclaré lors de la réunion du Conseil de sécurité de l'ONU que si aucune mesure de rétorsion n'était prise contre la Syrie suite à l'attaque chimique présumée, ils devraient agir par eux-mêmes.

L'attaque à l'arme chimique présumée et imputée par les Etats-Unis au gouvernement syrien va-t-elle pousser Washington à se passer de l'ONU ? Nikki Haley, l'ambassadrice des Etats-Unis auprès des Nations unies s'est fendue d'un discours emprunt d'émotion à la tribune onusienne. Images de victimes à l'appui, enfants inclus, elle a fustigé le refus de la Russie et de la Chine, toutes deux membres permanents du Conseil du sécurité ayant droit de veto, d'accepter des représailles contre Damas. 

«La vérité c'est que la Russie, l'Iran et le président Bachar el-Assad n'ont pas intérêt à ce que la paix règne», a-t-elle déclaré.

L'avertissement a pris une toute autre dimension quand la possibilité d'une action unilatérale des Etats-Unis a été évoquée par Nikki Haley : «Quand les Nations unies échouent constamment dans leur devoir d'agir collectivement, il y a des moments, dans la vie des Etats, où nous sommes appelés à prendre nos propres mesures.»

Deux visions 

La Russie et les pays occidentaux s'opposaient de nouveau le 5 avril sur le dossier syrien à l'occasion d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU consacrée à cette attaque chimique présumée ayant fait 72 morts en Syrie.

Moscou avait jugé plus tôt «inacceptable» en l'état le projet de résolution présenté par les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni condamnant l'attaque du 4 avril.

La Russie l'a qualifié de «catégoriquement inacceptable» car «son défaut est d'anticiper les résultats de l'enquête et de désigner des coupables».

Si le texte appelle à une enquête complète et rapide de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), du côté de la majorité des chancelleries occidentales, le coupable semble tout désigné. «Nous savons que l'attaque d'hier porte la signature du régime d'Assad», a ainsi déclaré Nikki Haley. Quant à François Hollande, il veut «une réaction de la communauté internationale à la hauteur de ce crime de guerre» et réclame d'ores et déjà des sanctions. 

Le chef de la diplomatie britannique Boris Johnson a pour sa part affirmé que «toutes les preuves» qu'il dit avoir vues «suggèrent que c'est le régime d'Assad» qui a utilisé «des armes illégales en toute connaissance de cause».

Le gouvernement de Bachar el-Assad porte la «principale responsabilité» de l'attaque, a affirmé quant à elle la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan, dont le pays soutient les rebelles, a qualifié d'«assassin» Bachar el-Assad en lui imputant l'attaque.

Le précédent de 2013

La nature des substances chimiques utilisées lors du raid aérien qui a visé, le 4 avril vers 7h (4h GMT) Khan Cheikhoun, petite ville de la province rebelle d'Idlib, dans le nord-ouest du pays, n'a pas été formellement identifiée. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a simplement précisé que certaines victimes présentaient des symptômes évoquant une exposition à une catégorie de produits chimiques «comprenant des agents neurotoxiques».

Ce n'est pas la première fois que plusieurs pays occidentaux accusent le gouvernement syrien d'être à l'origine d'une attaque chimique ayant touché des civils. 

Le 21 août 2013, l’armée régulière et l’opposition sont engagées dans de vifs combats pour le contrôle de la banlieue de Damas. A la Goutha, une attaque à l’arme chimique fait des centaines de victimes. Pour l’opposition, le coupable est vite trouvé. Le président syrien vient de gazer son peuple. Très vite, de nombreux médias suivent et n’hésitent pas à relayer les accusations des chancelleries occidentales. Un collège d’experts de l’ONU se montre formel : les munitions ont été tirées depuis les positions du gouvernement. Bachar el-Assad a toujours nié.

Au fur et à mesure, de plus en plus d’éléments sont venus contredire cette version. Tout d’abord, en septembre 2013, le gouvernement russe affirme détenir des preuves mettant en cause la responsabilité des rebelles. A la même époque, Bernard Squarcini, ancien chef du renseignement intérieur français, émet de sérieux doutes quant au rapport accusateur présenté par l'ex-Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Il le qualifie de «note de notes, pas conclusive et certainement pas suffisante».

Mais le coup le plus dur à la version officielle vient… des Etats-Unis. Quand Richard Lloyd, ancien inspecteur de l’ONU et spécialiste des missiles s’est mis à travailler avec Theodore Postol, un professeur du MIT, il en est ressorti un rapport de 23 pages. Basé sur des expertises balistiques, l’inspection de centaines de photos et d'analyses physiques, il s’oppose aux précédents comptes-rendus pointant la responsabilité de Bachar el-Assad.

Peu importe, pour Washington comme pour Paris et Londres, le casus belli est tout trouvé. Pour le camp occidental, la «ligne rouge» plusieurs fois évoquée par Barack Obama vient d'être franchie et une intervention militaire directe est plus que jamais d'actualité.

François Hollande n’attend que le feu vert américain pour passer à l’acte... mais patatras ! Un calendrier diplomatique complexe et une opinion publique réticente depuis la guerre en Irak poussent l'ex-président des Etats-Unis à faire machine arrière.

Déjà à l'époque, l’impossibilité d’obtenir une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, vetos russe et chinois obligent, avait pesé dans la balance. La décision de l’ancien chef du gouvernement britannique David Cameron de faire appel à la Chambre des communes avait également participé à faire capoter le projet.