Dariusz Mazurek, le président de la Ligue polonaise de défense, a déclaré sur sa page Facebook que son organisation souhaitait créer une plateforme en ligne qui permettrait aux citoyens d’accéder à une base de donnée référençant tous les musulmans polonais. Les données publiées ouvertement pourraient inclure leurs adresses, lieux de travail et photos.
«Les citoyens ont le droit de savoir où habitent les musulmans», a dit Mazurek.
D’après lui, il ne s’agit pas d'une initiative personelle, mais de la volonté du peuple polonais. L’activiste a déclaré à un site d’information polonais NaTemat.pl qu’il espérait que le public contribuera à la création de la base en y rajoutant eux-mêmes des photos de musulmans prises par leurs soins. Il ajoute que les musulmans devront pouvoir s'adresser à la justice «s'ils trouvent ces mesures offensantes pour eux».
«Tout le monde a le droit de savoir où habitent de potentiels terroristes – dans leur quartier ou juste en-dessous de chez eux. Les auteurs des attaques terroristes de 2005 étaient des gens éduqués. Parmi les terroristes du 11 septembre, il y avait un psychiatre. Etre terroriste n’implique pas forcément d'être un taliban et de porter des vêtements musulmans, ça peut être une personne normale et intelligente», estime Mazurek.
Ce plan, baptisé par ces créateurs «Muslimwatch» (Surveillance musulmane) ressemble effroyablement à la politique de ségrégation qui existait en Pologne dans les années 30, selon un ancien imam polonais.
«L’initiative de la Ligue polonaise de défense me rappelle les «bancs-ghettos» d’avant guerre. Nous savons tous comment cela s'est terminé après 1939. La même chose pourrait arriver ici : quelqu’un pourrait avoir l’idée d’un Auschwitz pour les musulmans. C’est extrêmement dangereux», a raconté Selim Chazbijewicz, un tatar polonais et ancien imam de la communauté musulmane de Gdansk.
Les «bancs-ghettos» était une forme de ségrégation dans les années 30 : dans les universités qui la pratiquaient, les étudiants juifs étaient forcés de s’asseoir séparément des autres étudiants.
Selon lui, la création d’un tel registre violerait les lois polonaises de protection de données. «Je suis sûr que la Ligue va essayer de réaliser son projet, mais j’espère que la réponse des autorités sera prompte», a-t-il avoué.
Ce n’est pas la première fois que la Ligue polonaise de défense adopte une position antimusulmane. En décembre 2013, elle avait entamé des patrouilles dans les grandes villes pour «observer le comportement des musulmans et intervenir si besoin», pouvait-on lire dans une déclaration officielle sur son site. La Ligue a déclaré qu’elle entendait prévenir les femmes polonaises des «menaces» que présentent les relations avec des hommes musulmans.
La communauté musulmane polonaise est l’une des plus petites d'Europe. Entre 20 000 et 40 000 musulmans, dont 3 000 tatars arrivés durant le Moyen-Age, habitent dans le pays. Cependant, d’après une enquête réalisée cette année par le Centre de recherche de l’opinion publique à Varsovie, 44% des polonais ont une attitude négative envers les musulmans, alors que 64% des interrogés ont estimé que les musulmans sont intolérants envers les coutumes et les valeurs autres que les siennes.